samedi 11 avril 2015

Conte: Les trois Aveugles de Compiègne (Partie III)

CONTE: LES TROIS AVEUGLES DE COMPIÈGNE (PARTIE IIi) 


III. Comment le clerc tira les trois aveugles d’embarras

« Sire, dirent les trois aveugles à leur hôte,
Nous avons un écu, nous paierons sans carottes,
Rendez-nous notre reste, hôtelier, au revoir. »
Celui-ci tendit la main pour le recevoir ;
Personne ne le lui donna, attendant l’autre,
Voilà qu’il demande qui l’a : « C’est le nôtre »
Leur répondent les trois hères. Tonitruant,
Il se fâche et il crie : « Çà, messieurs les truands,
Je ne suis point ici pour servir de risée,
Payez-moi, vos têtes seront sinon brisées
Et il vous arrivera à tous les trois malheur. »
Ils demandent l’écu, se traitent de voleurs
Et se querellent avec des paroles injurieuses.
L’hôte distribua d’une façon furieuse
A chacun des paires de soufflets, en criant
D’apporter deux bâtons à son valet. Riant,
Le malicieux clerc vit toutefois que l’affaire
Devenait sérieuse et n’était plus pour plaire.
L’air étonné de ce tapage, il se montra
Et comme si jamais il ne les rencontra,
Demanda à l’hôte : « Pourquoi ce vacarme ?
Et qu’est-ce que ces trois aveugles en alarmes ? »
« Sire, répondit-il, ce sont ces trois marauds
Qui ont ravi mon bien et ont fait les farauds
En faisant travailler toute mon auberge.
Ils ont mangé et bu comme un manuterge,
Et aujourd’hui qu’ils doivent payer, me bafouer
Ils osent, et de coups je vais bientôt les rouer. »
« Doucement, sire Nicole, reprit le clerc, ces hères
Sont trop appesantis par leur sombre misère
Pour vous payer. Dites ce qu’ils ont dépensé. »
Quand il le sut : « Rien que cela ! J’avais pensé
Qu’ils vous devaient une plus copieuse somme !
Seigneur tout-puissant, dans quel monde nous sommes !
Je vais payer ; laissez ces malheureux partir.
Si vous refusez, je tiens à vous avertir
Que c’est un grand péché d’affliger les pauvres. »
Les trois aveugles, sans attendre qu’on leur ouvre,
Se sauvent prestement, contents, en ce moment,
Sans chercher à savoir, dans leur hâte, comment
Ils échappèrent à une rude bastonnade.
L’hôte, lui, joyeux à faire la sérénade,
Avec de grands éloges remercia le clerc :
« Vous allez prospérer, mon bon seigneur, c’est clair !
Et Dieu vous bénira pour votre largesse,
Pour votre bonté et pour votre sagesse. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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