CONTE: LES TROIS AVEUGLES DE COMPIÈGNE (PARTIE II)
II. Ce que les trois aveugles firent de leur écu
imaginaire
A la ville on criait : « Bon
vin, vin de Soissons,
Vin d’Auxerre à bon prix, bonne chère et
poisson ! »
Les trois aveugles, que maintes lieues
affamèrent
Et avaient grand soif et avaient la
bouche amère,
N’allèrent pas plus loin, et dès qu’ils
furent entrés,
Dirent que bien qu’ils fussent en
manants accoutrés
Leurs bourses étaient bien garnies et
pesantes
Et pour acheter toute l’auberge suffisantes.
Nicole, l’hôtelier, surpris de leur
aspect,
Les reçut néanmoins avec un grand
respect,
Accoutumé à voir des gens de leur espèce
Plus que des bien vêtus dépenser des
pièces.
Il les mena dans sa belle salle, cria
Qu’on les servît, et de s’asseoir les
pria.
Ils demandèrent les choses les plus
chères
Et qu’on leur fît faire sans délai
grande chère,
Et voilà que comme des rois dans leurs
palais,
Tout le monde : maître, servantes
et valets,
Et même un voisin dont on implora l’aide,
S’empresse de servir, leur sourit et
plaide.
L’on eût pris l’auberge pour une grande
cour ;
On parvint, à force de mains et de
secours,
A servir un dîner aux hôtes redoutables,
Composé de cinq plats, qui se mirent à
table,
Parlant, riant, chantant, buvant à leurs
santés
Et bénissant le clerc, toutefois
plaisanté,
Dont l’écu leur permit de manger et de
boire
Et d’emplir de bon vin enfin leurs
ciboires.
Celui-ci les avait suivis sans s’ennuyer
Jusqu’à l’auberge, avec son fidèle
écuyer,
Et ils riaient tous deux de leurs
gaillardises
Et de les ouïr dire toutes ces
vantardises.
Pour ne rien perdre de leur entretien
joyeux,
Et comme ils avaient des bouches et n’avaient
point d’yeux,
Le clerc farceur dîna et soupa avec l’hôte.
Ils buvaient cependant comme des goulottes
Et mangeaient avec bruit dans la salle d’honneur ;
La fête gauloise de ces gourmands
dîneurs
Dura bien longtemps, de rires et de mets
ornée.
Pour qu’ils terminassent une si belle
journée
Comme il se devait, ils demandèrent des
lits
Et ils couchèrent sans douter de leur
délit.
Le lendemain matin, l’hôte qu’ils
ennuyèrent,
Dès qu’ils descendirent et qu’ils se
réveillèrent,
Compta leur dépense et leur demanda dix
sous.
Le malicieux clerc, qui les en savait
dissous,
Attendait ce moment avec impatience ;
Afin d’en jouir à son aise et avec
science,
Il se plaça dans un coin sans se laisser
voir
Pour que sa présence ne se fît point
savoir.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
vendredi 10 avril 2015
Conte: Les trois Aveugles de Compiègne (Partie II)
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