CONTE: Les trois aveugles de Compiègne (PARTIE I)
I. La ruse d’un clerc farceur, qui dupa les trois
aveugles de Compiègne
Trois aveugles
vivant au temps de Charlemagne,
Quêtant au
voisinage, partirent de Compiègne,
Car ils
mangeaient d’aumônes et ils étaient sans lits.
Ils suivaient
prestement le chemin de Senlis,
Chacun d’eux un
bâton à la main et une tasse.
Un jeune clerc
fort bien monté et qui passe,
Suivi d’un
écuyer à cheval, se rendait
De Paris à
Compiègne. La route s’étendait
Devant lui, et
semblait ne point avoir de terme,
Et il fut frappé
du pas allongé et ferme
Des aveugles, et
se dit en lui-même : « Voilà
Des drôles trop
sûrs de leur sort que je vois là !
Ils ont une
marche trop assurée, sans doute,
Pour des gens
qui errent et qui ne voient goutte.
Que Diable m’emporte !
J’aimerais bien savoir
S’ils sont
vraiment aveugles, et m’en fais un devoir. »
Dès qu’il fut
arrivé près des trois compères,
Les pauvres
gens, qui à chaque bruit espèrent,
Demandèrent l’aumône,
miséreux et tremblants.
Le clerc les
appela, et en faisant semblant
De leur donner
quelque chose : « Je vous offre,
Mes bons sires,
leur dit-il, en pleurant vos affres,
Cet écu :
partagez-le, il est à vous trois. »
« Que Dieu
vous bénisse et qu’il vous fasse roi !
S’écrièrent-ils,
et qu’il vous récompense
Avec le paradis
pour cette dépense. »
Nul d’eux n’avait
l’écu ; chacun d’eux cependant
Croyait que l’autre
l’eut, courtoisement défendant
A lui-même d’en
quérir le propriétaire.
Après avoir prié
pour le clerc sur terre
Et dans l’au-delà,
bien contents, le Tout-Puissant,
Ils se remirent
en route, beaucoup ralentissant
Leurs pas,
pareils à des divinités anciennes.
Le clerc feignit
d’aller continuer la sienne,
Mais à son
écuyer il donna son cheval
Et suivit les
aveugles comme le mont le val
En lui ordonnant
de l’attendre à la ville.
Le croyant
parti, les aveugles, plus tranquilles,
S’arrêtèrent, et
le chef de la troupe, ravi,
Dit : « La
journée est bien bonne ! Je suis d’avis
De revenir à
Compiègne ; grâce à la bienveillance
De ce brave
chrétien, allons faire bombance.
On est las et
nous ne sommes point divertis. »
Les voilà donc
pour leur Compiègne repartis
Après avoir reçu
avec de grands éloges
Cette proposition,
et oublié leur loge.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
jeudi 9 avril 2015
Conte: Les trois Aveugles de Compiègne (Partie I)
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