CONTE: JEAN SANS PEUR (PARTIE III)
III. Comment Jean chassa les trois lutins du château
hanté
Jean marcha tout le jour. Luisant comme
un flambeau,
Il vit un grand château, le soir,
auguste et beau.
En se dirigeant de son côté, fort vite
Il arriva à une maison plus petite,
Toute proche de la royale habitation.
Des gens qui passaient il obtint des
négations
Quand il leur demanda s’il y avait âme
vivante.
Ils lui répondirent, non sans épouvante,
Que ce château était hanté par les
lutins
Qui étaient maléfiques comme ils étaient
mutins,
Et que les hommes qui y dormaient perdaient
la vie
Par ces démons furieux le lendemain
ravie.
Jean demanda à son maître la permission
D’y coucher cette nuit. « Sire, lui
dit-il, ma mission
Sera de terrasser ces démons macabres.
Prêtez-moi seulement un de ces grands
sabres
Que vous avez, pour que je punisse ces fripeurs.
Ce n’est point sans raison qu’on m’appelle
Jean sans Peur ;
Vos lutins vont voir un lutin plus
effroyable. »
Jeans sans Peur parcourut mille pièces
agréables
Et ne vit nul lutin des ténèbres surgir
Qu’il pût avec son sabre aiguisé
assagir.
Dans une cuisine il vit une table emplie
de miettes
De pain, d’écuelles, de plats et d’assiettes ;
Sa rustique cheminée eût chauffé
aisément
Une douzaine d’hôtes, trouvant leur
agrément
Devant sa belle flamme, généreuse et
chaude.
Jean vit, sur le feu, une marmite
noiraude
Qui bouillait, et une casserole où
cuisait
De la viande. Sa marche nocturne l’épuisait
Et il avait faim ; coupant en
tranches menues
Le pain, allant tremper cette soupe
bienvenue,
Il entendit une voix qui lui dit
durement :
« Trempe quatre soupes. » Jean
répondit fièrement :
« Si cela me sied, je le fais avec
lestesse,
Mais parlez-moi, d’abord, avec
politesse. »
« Eh bien ! dit la voix, je
vous prie de préparer
Quatre écuellées, et vouloir les
séparer. »
« Volontiers, dit Jean. Je m’en
ferai étude,
Mais je ne puis manger dans la solitude,
Tenez-moi compagnie et j’en serai
heureux. »
Il entendit ensuite un sombre bruit
ferreux
Dans la cheminée, et vit plusieurs bouts
de chaînes
Sur ces créatures mauvaises et
inhumaines.
« Je jure de vous jeter dans cette
marmite qui bout,
Laissez choir ces chaînes dont vous me
montrez le bout,
S’écria Jean. L’effroi m’est une chose
étrangère. »
Ces paroles courageuses sans doute
dérangèrent
Les trois lutins, qui aiment effrayer
les humains,
Et qui arrivèrent par le même chemin,
C’est-à-dire la fumée, obéissants et
sombres.
Ils étaient habillés comme des hommes ;
dans l’ombre
Jean vit leurs longues queues qu’ils
cachaient avec soin.
L’un d’eux dit : « Le
souper n’est guère cuit à point ;
Jouer aux cartes n’est point pour me
déplaire
En attendant qu’il soit prêt. » Ils
s’attablèrent,
Le plus jeune fit tomber une carte de
son jeu
En disant au héros qu’il savait
courageux :
« Ramasse ma carte. » « Ignoble
moustique,
Répondit Jean, me prends-tu pour ton
domestique ?
Fais ta besogne toi-même ou attends mes
coups. »
Comme il se baissait pour la ramasser, au
cou
Jean lui passa, adroit, l’étole du
prêtre.
Les autres démons fuirent, le laissant
se débattre
En suppliant son hôte, tel un pauvre
mulet,
De le délivrer de l’étole qui le brûlait
Comme un collier de fer rouge ou de l’eau
bénite.
« Ah ! dit Jean, tu n’as que
ce que tu mérites,
Et toi qui croyais prendre, te voilà
attrapé.
Pour que je te laisse de cette étole t’échapper,
Dis, pourquoi voulais-tu que je ramasse
ta carte ? »
Jean sans Peur rit d’une manière bien
forte
Quand le diable lui dit qu’il voulait le
pousser
Dans un puits sous la table. « Arrête
de rousser,
Lui lança-t-il. Je veux bien te laisser
vivre,
Mais pour que de cette chaîne sacrée je
te délivre,
Tu devras me signer de ton sang un écrit
Par lequel tu seras de ce château
proscrit,
Toi et les tiens, et j’en serai
propriétaire. »
Le jeune diable n’y fut point
protestataire,
Se fit une incision au bras et lui signa
Un parchemin bien en règle. Il s’éloigna,
Joyeux comme un poulain qui sort de l’écurie,
Et indiqua au jeune gars, dans son
euphorie,
Une cachette remplie de pièces d’or sous
l’escalier.
Dans ce château jadis inhospitalier
Jean dormit tranquillement. Avec
gratitude,
Le seigneur du château lui fit une
multitude
De présents magnifiques, et voulut le
garder
Pour que nulle créature n’osât s’y
hasarder.
Il se divertit un peu, mais se lassa
vite,
Et reprit la route qui à voyager l’invite.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
lundi 5 janvier 2015
Conte: Jean sans Peur (Partie III)
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