lundi 5 janvier 2015

Conte: Jean sans Peur (Partie III)

CONTE: JEAN SANS PEUR (PARTIE III) 



III. Comment Jean chassa les trois lutins du château hanté

Jean marcha tout le jour. Luisant comme un flambeau,
Il vit un grand château, le soir, auguste et beau.
En se dirigeant de son côté, fort vite
Il arriva à une maison plus petite,
Toute proche de la royale habitation.
Des gens qui passaient il obtint des négations
Quand il leur demanda s’il y avait âme vivante.
Ils lui répondirent, non sans épouvante,
Que ce château était hanté par les lutins
Qui étaient maléfiques comme ils étaient mutins,
Et que les hommes qui y dormaient perdaient la vie
Par ces démons furieux le lendemain ravie.
Jean demanda à son maître la permission
D’y coucher cette nuit. « Sire, lui dit-il, ma mission
Sera de terrasser ces démons macabres.
Prêtez-moi seulement un de ces grands sabres
Que vous avez, pour que je punisse ces fripeurs. 
Ce n’est point sans raison qu’on m’appelle Jean sans Peur ;
Vos lutins vont voir un lutin plus effroyable. »
Jeans sans Peur parcourut mille pièces agréables
Et ne vit nul lutin des ténèbres surgir
Qu’il pût avec son sabre aiguisé assagir.
Dans une cuisine il vit une table emplie de miettes
De pain, d’écuelles, de plats et d’assiettes ;
Sa rustique cheminée eût chauffé aisément
Une douzaine d’hôtes, trouvant leur agrément
Devant sa belle flamme, généreuse et chaude.
Jean vit, sur le feu, une marmite noiraude
Qui bouillait, et une casserole où cuisait
De la viande. Sa marche nocturne l’épuisait
Et il avait faim ; coupant en tranches menues
Le pain, allant tremper cette soupe bienvenue,
Il entendit une voix qui lui dit durement :
« Trempe quatre soupes. » Jean répondit fièrement :
« Si cela me sied, je le fais avec lestesse,
Mais parlez-moi, d’abord, avec politesse. »
« Eh bien ! dit la voix, je vous prie de préparer
Quatre écuellées, et vouloir les séparer. »
« Volontiers, dit Jean. Je m’en ferai étude,
Mais je ne puis manger dans la solitude,
Tenez-moi compagnie et j’en serai heureux. »
Il entendit ensuite un sombre bruit ferreux
Dans la cheminée, et vit plusieurs bouts de chaînes
Sur ces créatures mauvaises et inhumaines.
« Je jure de vous jeter dans cette marmite qui bout,
Laissez choir ces chaînes dont vous me montrez le bout,
S’écria Jean. L’effroi m’est une chose étrangère. »
Ces paroles courageuses sans doute dérangèrent
Les trois lutins, qui aiment effrayer les humains,
Et qui arrivèrent par le même chemin,
C’est-à-dire la fumée, obéissants et sombres.
Ils étaient habillés comme des hommes ; dans l’ombre
Jean vit leurs longues queues qu’ils cachaient avec soin.
L’un d’eux dit : « Le souper n’est guère cuit à point ;
Jouer aux cartes n’est point pour me déplaire
En attendant qu’il soit prêt. » Ils s’attablèrent,
Le plus jeune fit tomber une carte de son jeu
En disant au héros qu’il savait courageux :
« Ramasse ma carte. » « Ignoble moustique,
Répondit Jean, me prends-tu pour ton domestique ?
Fais ta besogne toi-même ou attends mes coups. »
Comme il se baissait pour la ramasser, au cou
Jean lui passa, adroit, l’étole du prêtre.
Les autres démons fuirent, le laissant se débattre
En suppliant son hôte, tel un pauvre mulet,
De le délivrer de l’étole qui le brûlait
Comme un collier de fer rouge ou de l’eau bénite.
« Ah ! dit Jean, tu n’as que ce que tu mérites,
Et toi qui croyais prendre, te voilà attrapé.
Pour que je te laisse de cette étole t’échapper,
Dis, pourquoi voulais-tu que je ramasse ta carte ? »
Jean sans Peur rit d’une manière bien forte
Quand le diable lui dit qu’il voulait le pousser
Dans un puits sous la table. « Arrête de rousser,
Lui lança-t-il. Je veux bien te laisser vivre,
Mais pour que de cette chaîne sacrée je te délivre,
Tu devras me signer de ton sang un écrit
Par lequel tu seras de ce château proscrit,
Toi et les tiens, et j’en serai propriétaire. »
Le jeune diable n’y fut point protestataire,
Se fit une incision au bras et lui signa
Un parchemin bien en règle. Il s’éloigna,
Joyeux comme un poulain qui sort de l’écurie,
Et indiqua au jeune gars, dans son euphorie,
Une cachette remplie de pièces d’or sous l’escalier.
Dans ce château jadis inhospitalier
Jean dormit tranquillement. Avec gratitude,
Le seigneur du château lui fit une multitude
De présents magnifiques, et voulut le garder
Pour que nulle créature n’osât s’y hasarder.
Il se divertit un peu, mais se lassa vite,
Et reprit la route qui à voyager l’invite.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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