CONTE: jean sans peur (PARTIE II)
II. Ce que Jean sans Peur fit aux trois pendus, et
comment il leur fut enfin charitable
Dans
le creux d’un fossé, sur un tas de feuilles mortes,
Jean
s’endormit, la nuit, et par les voix fortes
Des
oiseaux gazouillant au lever du soleil
Il
fut réveillé de son ténébreux sommeil.
Il
marcha tout le jour, quand les cieux reluisaient,
Sans
savoir où ses pas errants le conduisaient ;
Quand
la nuit vint, il lui fallait trouver un lit,
Le
preux aventureur qui jamais ne pâlit,
Et
que les endroits les plus effroyables appellent,
Vit,
derrière les arbres, une petite chapelle
Qui
semblait déserte, à la voir, depuis longtemps.
De
trouver cet abri nocturne content,
Jean
sans Peur attacha son âne à un arbre
Et
entra aussitôt dans la chapelle sombre.
Délabrée,
elle pouvait seoir aux êtres spectraux,
Ses
fenêtres brisées n’avaient plus de vitraux,
La
porte fermait mal et était entrouverte.
Jean
inspecta les lieux et fit ces découvertes,
Mais
il ne se plaignit pas car, étant fort las,
Il
pensait qu’il pourrait dormir encor mieux là
Que
dans un froid fossé ou la forêt venteuse.
On
avait pendu à la poutre boiteuse
De
l’édifice, trois hommes, pour leur faire expier
Quelque
forfait, laissés morts et dont les six pieds
Touchaient
presque terre. A cause des ténèbres
Notre
héros ne vit point ces choses funèbres,
Il
alla sur une dalle de pierre se coucher,
Fatigué
qu’il était de tout le jour marcher,
Il
fit de son bissac un oreiller rude,
Et
s’endormit, ayant pris cette habitude,
Plaçant
son bâton à la portée de sa main.
Mais
le vent qui errait dans son sombre chemin,
Soufflant
à travers les fenêtres décrépites,
Choqua
les pendus l’un contre l’autre, si vite
Et
avec un si grand bruit, qu’il eût réveillé
Sur-le-champ
le dormeur le plus ensommeillé.
Jean
se leva et dit, distrait d’une idylle :
« Ah !
Çà, je vais bien vous faire rester tranquille. »
Et
d’un coup de bâton, pour qu’il fût entendu,
Il
fit tomber par terre l’un des hommes pendus.
Il
allait s’endormir encore sur la dalle
Quand
gronda tout à coup une autre rafale
Et
poussa l’un contre l’autre les deux pendards.
« Ne
savez-vous point qu’il commence à faire tard ?
Cria
Jean, croyant qu’on lui faisait une farce,
Qui
frappa un pendu avec tant de force
Qu’il
le fit rouler sur le pavé. Harassé
Et
des plaisantins se pensant débarrassé,
Il
se rendormit ; mais le vent souffla encore
Et
heurta contre un mur de la chapelle sonore
Le
troisième pendu que sa corde retient.
En
songeant qu’un farceur pour l’effrayer revient,
Jean
s’écria, colère : « Vaurien ! Je vais te battre
Si
fort, que pour faire de nouveau ton théâtre
Il
va te falloir une semaine pour guérir. »
« Ah !
Je vous implore de ne point me férir,
Dit
le pendu à qui Dieu rendit la parole.
Nous
nous sommes trouvés dans cette vérole
Tous
les trois, étranglés ici par le bourreau,
Et
couchés, dans cette chapelle, sur le carreau,
Pour
avoir volé les trésors de l’église.
Nous
les avons cachés dans une grosse valise
Sous
une pierre tombale, à côté du bénitier.
Ce
n’est point à vous, sire, d’en être l’héritier,
Mais
je vous prie de les restituer au prêtre
Pour
que nous obtenions, criminels et traîtres,
La
miséricorde du Seigneur tout-puissant. »
« Bien,
reste tranquille, dit Jean s’adoucissant,
Car
demain je ferai ce que tu désires. »
Et
le pendu lui dit : « Soyez béni, sire. »
A
l’aube trouvant le trésor, il le rendit
Au
prêtre content, qui pour les trois qu’on pendit
Lui
promit de dire des messes solennelles.
« Notre
gratitude vous est éternelle,
Lui
dit le prêtre, et je veux vous récompenser. »
Mais
de son argent Jean lui parut s’offenser,
Et
lui proposa, au lieu de ses pistoles,
De
lui faire présent de sa blanche étole.
« Ce
n’est point un jouet ; c’est un objet sacré,
Dit
le prêtre, de tous les démons exécré,
Et
qui leur inspire une mortelle crainte. »
Jean
lui expliqua qu’il voulait cette chose sainte
Pour
être protégé des diables et des lutins.
Le
prêtre lui donna son étole. Au matin,
Il
se remit en route, heureux de ses prouesses,
Et
continuant son voyage avec hardiesse.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
dimanche 4 janvier 2015
Conte: Jean sans Peur (Partie II)
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