dimanche 4 janvier 2015

Conte: Jean sans Peur (Partie II)

CONTE: jean sans peur (PARTIE II) 



II. Ce que Jean sans Peur fit aux trois pendus, et comment il leur fut enfin charitable

Dans le creux d’un fossé, sur un tas de feuilles mortes,
Jean s’endormit, la nuit, et par les voix fortes
Des oiseaux gazouillant au lever du soleil
Il fut réveillé de son ténébreux sommeil.
Il marcha tout le jour, quand les cieux reluisaient,
Sans savoir où ses pas errants le conduisaient ;
Quand la nuit vint, il lui fallait trouver un lit,
Le preux aventureur qui jamais ne pâlit,
Et que les endroits les plus effroyables appellent,
Vit, derrière les arbres, une petite chapelle
Qui semblait déserte, à la voir, depuis longtemps.
De trouver cet abri nocturne content,
Jean sans Peur attacha son âne à un arbre
Et entra aussitôt dans la chapelle sombre.
Délabrée, elle pouvait seoir aux êtres spectraux,
Ses fenêtres brisées n’avaient plus de vitraux,
La porte fermait mal et était entrouverte.
Jean inspecta les lieux et fit ces découvertes,
Mais il ne se plaignit pas car, étant fort las,
Il pensait qu’il pourrait dormir encor mieux là
Que dans un froid fossé ou la forêt venteuse.
On avait pendu à la poutre boiteuse
De l’édifice, trois hommes, pour leur faire expier
Quelque forfait, laissés morts et dont les six pieds
Touchaient presque terre. A cause des ténèbres
Notre héros ne vit point ces choses funèbres,
Il alla sur une dalle de pierre se coucher,
Fatigué qu’il était de tout le jour marcher,
Il fit de son bissac un oreiller rude,
Et s’endormit, ayant pris cette habitude,
Plaçant son bâton à la portée de sa main.
Mais le vent qui errait dans son sombre chemin,
Soufflant à travers les fenêtres décrépites,
Choqua les pendus l’un contre l’autre, si vite
Et avec un si grand bruit, qu’il eût réveillé
Sur-le-champ le dormeur le plus ensommeillé.
Jean se leva et dit, distrait d’une idylle :
« Ah ! Çà, je vais bien vous faire rester tranquille. »
Et d’un coup de bâton, pour qu’il fût entendu,
Il fit tomber par terre l’un des hommes pendus.
Il allait s’endormir encore sur la dalle
Quand gronda tout à coup une autre rafale
Et poussa l’un contre l’autre les deux pendards.
« Ne savez-vous point qu’il commence à faire tard ?
Cria Jean, croyant qu’on lui faisait une farce,
Qui frappa un pendu avec tant de force
Qu’il le fit rouler sur le pavé. Harassé
Et des plaisantins se pensant débarrassé,
Il se rendormit ; mais le vent souffla encore
Et heurta contre un mur de la chapelle sonore
Le troisième pendu que sa corde retient.
En songeant qu’un farceur pour l’effrayer revient,
Jean s’écria, colère : « Vaurien ! Je vais te battre
Si fort, que pour faire de nouveau ton théâtre
Il va te falloir une semaine pour guérir. »
« Ah ! Je vous implore de ne point me férir,
Dit le pendu à qui Dieu rendit la parole.
Nous nous sommes trouvés dans cette vérole
Tous les trois, étranglés ici par le bourreau,
Et couchés, dans cette chapelle, sur le carreau,
Pour avoir volé les trésors de l’église.
Nous les avons cachés dans une grosse valise
Sous une pierre tombale, à côté du bénitier.
Ce n’est point à vous, sire, d’en être l’héritier,
Mais je vous prie de les restituer au prêtre
Pour que nous obtenions, criminels et traîtres,
La miséricorde du Seigneur tout-puissant. »
« Bien, reste tranquille, dit Jean s’adoucissant,
Car demain je ferai ce que tu désires. »
Et le pendu lui dit : « Soyez béni, sire. »
A l’aube trouvant le trésor, il le rendit
Au prêtre content, qui pour les trois qu’on pendit
Lui promit de dire des messes solennelles.
« Notre gratitude vous est éternelle,
Lui dit le prêtre, et je veux vous récompenser. »
Mais de son argent Jean lui parut s’offenser,
Et lui proposa, au lieu de ses pistoles,
De lui faire présent de sa blanche étole.
« Ce n’est point un jouet ; c’est un objet sacré,
Dit le prêtre, de tous les démons exécré,
Et qui leur inspire une mortelle crainte. »
Jean lui expliqua qu’il voulait cette chose sainte
Pour être protégé des diables et des lutins.
Le prêtre lui donna son étole. Au matin,
Il se remit en route, heureux de ses prouesses,
Et continuant son voyage avec hardiesse.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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