mercredi 11 juillet 2012

Les pêcheurs du cap Fréhel


Les pêcheurs du cap Fréhel 


 Quand le soleil reluit et que les joyeux flots
Chantent des poèmes d’amour à Saint-Malo,
On voit, plus blancs que les sillons de l’écume,
Radieux comme un flambeau que la mer allume,
Dans le sentier des ondes les doux sillons
De la robe de Marie, emplie de rayons,
Car elle passe pour calmer, quand elle les touche,
L’invincible furie des océans farouches
Qui obéissent à ses divins commandements.
On entend les oiseaux chanter au firmament
Pour accueillir la sainte et éternelle Vierge ;
En mille sept cent cinquante-huit, comme sur des cierges
Sur les étoiles qui rayonnaient elle souffla
Pour cacher les Français, désespérés et las,
A leurs ennemis, et on les vit s’éteindre,
Et leurs assaillants, qui ne pouvaient les craindre,
Rebroussèrent chemin, effrayés des écueils.
Lorsque la nuit tombe, noire comme le deuil,
Sur ce bienheureux et calme rivage,
Des fées et des sirènes, rivales de l’orage,
Sublimes créatures aux chevelures d’or,
Les chants harmonieux bercent la mer qui dort,
Mais aux marins elles ne sont point rebelles
Et elles sont douces comme elles sont belles,
Et maintes fois elles sauvèrent du trépas
Les pêcheurs imprudents qui ne les voyaient pas
En conduisant leurs voiles loin des farouches ondes
Qui, quand elles les voient passer, gémissent et grondent.

Un dimanche, près du cap que l’on nomme Fréhel
Que contemple l’église mouillée de Pléhérel
Dont les racines sont les flots, et les branches
Les nuages aussi blancs que l’écume blanche,
Pendant la messe, un joyeux groupe de pêcheurs
Au lieu de chanter les louanges du Seigneur,
Etait réuni, horde impie et criminelle.
Ces audacieux gaillards venaient de Reynelle
Et ils voulaient, puisque la magnanime mer
Etait vide à cette heure comme un désert
Y tendre leurs lignes avides et coupables.
De la grève immense les mille grains de sables
Sont moins nombreux que ses innombrables poissons,
Les voiles de Saint-Cast et de Saint-Jacut sont
Comme les voiles de Plévenon, maintes fois revenues
De cette mer clémente, antique et chenue,
Appesanties par le fardeau des lourds présents.
Bonhomme Tonnerre, pêcheur à l’œil méprisant,
En jurant dit à ses vaillants frères d’armes :
« Par Dieu ! La mer est calme et comme une larme
De Jésus, elle coule, radieuse, lentement !
Il n’y a que nous quatre sous le bleu firmament,
Nous somme seuls, nous serons riches ! Mouillons la voile !
N’attendons point la nuit et ses blêmes étoiles,
Pêchons, pendant que les autres prient en tremblant !
Soudain, ils virent une femme vêtue de blanc
Venir à eux, belle mais affreusement hagarde,
En marchant sur les flots. « Le Seigneur vous regarde
Leur dit-elle. Craignez son invincible courroux
Ou le bras de mon fils, ô, malheureux ! Sur vous
S’appesantira comme un faix inexorable ! »
Bonhomme Tonnerre dit à la Vierge vénérable :
«Noire sorcière, de ton sinistre avertissement
Nous ne tremblons point. Va-t’en, reviens rapidement
A ton chaudron et à ton manoir, ou je jure
Que tu mourras » Levant au ciel ses prunelles pures,
Marie soupira et disparut. Ce jour-là
La mer devint furieuse et elle avala
Ces pêcheurs impies et leur voile que rien ne freine.
Et depuis, on ne voit ni fées ni sirènes
Errer dans ces ondes que la Vierge maudit ;
Sans qu’elle dît un mot, le Seigneur l’entendit
Et vida cette mer, désormais aride,
Et toujours farouche, de ses poissons rapides.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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