Les étrangers
Philémon et
Baucis, morts dans leur chaumière,
S’enlacent comme
deux amants dans la lumière
Que l’Aurore
attendrie et le Soleil heureux
Par l’humble
fenêtre viennent verser sur eux.
La Nature, qui
les protège des bêtes,
Contemple
avidement les sublimes squelettes
De ces
vieillards épris et mariés dans la mort.
Leur hospitalité
les a sauvés du sort
Qui a frappé
toute l’humanité impure
Par les mains de
Jupiter et de Mercure ;
L’amour était
leur vie et il est leur destin,
Ils se sont
réveillés tous les deux, un matin :
Philémon,
embrassant la main de sa femme,
L’a appelée sa
deuxième aurore et son âme,
Et la pieuse
Baucis, embrassant le front sec
De son mari, tel
le marbre d’un temple grec,
L’a appelé le
soleil de sa pauvre demeure.
Philémon lui a
dit : « Maintenant, il faut qu’on meure.
Nos dieux, que
nous avons priés à genoux,
Après la mort
aussi seront cléments pour nous. »
Et enlacés,
devenus un seul être énorme,
Leur amour est
resté, essence sans forme
Et parfum sans
flacon embaumant l’univers,
Rimes d’un
éternel poème, strophes, vers.
Et aujourd’hui,
qui des deux vieillards suit l’exemple ?
Qui de sa
demeure fait le divin temple
De l’Hospitalité
que bénissent les dieux ?
Qui à des
martyrs qui fuient des tyrans odieux
De sa maison, de
son cœur, ouvre la porte ?
Dans la
chaumière des deux vieillards, elle est morte,
L’Hospitalité,
la douce Hospitalité !
L’étranger !
apporté par la Fatalité !
L’étranger !
mon ennemi, et non mon semblable !
L’étranger !
c’est Satan ! l’étranger, c’est le diable !
L’étranger !
Ce fléau, ce violeur triomphant
De nos femmes,
de nos mères, de nos enfants !
Qu’il meure en
mer avant de souiller mon rivage,
Son sort m’indiffère,
ce n’est qu’un sauvage
Qui s’en prend à
mon vin, qui s’en prend à mes mœurs,
Et mon Europe se
portera mieux s’il meurt !
Qu’il aille donc
ailleurs trouver un refuge !
Hélas ! s’ils
étaient en vie, combien de déluges
Mercure et
Jupiter feraient sur nous pleuvoir !
Quel horrible
monde qu’ils n’oseraient pas voir
Qu’un monde dans
lequel un étranger souhaite
La mort d’un
étranger comme lui qui l’embête !
Vieillards
vénérables dont nul ne se souvient,
Philémon et
Baucis, vous êtes morts pour rien.
Par : Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2175.
mardi 15 mai 2018
Les Étrangers
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