dimanche 26 juin 2016

Conte: U Bastelicacciu

CONTE: u Bastelicacciu

Il y a des années, à Bastelica, un homme
Avait pour tous bien un moulin et une femme.
Le moulin qu’il avait ne lui rapportait rien
Sa femme lui disait toujours : « C’est vrai ! c’est bien ! »
Et trouvait sages ses idées les plus folles.
Un jour, le meunier dit : « Il faut que j’immole
Ce moulin, qui ne sert à rien ! Tout va changer,
Nous trouverons bientôt à boire et à manger,
Car je pense à acheter une bonne vache
Qui nous donnera du lait. Cela te fâche ?
En plus du lait, tous les ans nous aurons un veau
Ramenant de l’argent beaucoup plus qu’il n’en vaut. »
« Tu as raison, lui dit sa candide épouse,
Va vendre ce moulin que remplit la bouse. »
Le meunier le vendit vite pour six cents francs.
Il acheta une vache et revenait en courant,
Puis pensa, fatigué : « Ah, je suis bien bête
D’acheter cette vache ! où avais-je la tête ?
A quoi diable cela pourra-t-il me servir ?
Si cette grosse vache pense un jour à sévir
Elle m’éventrera avec ses grandes cornes. »
Et à cette pensée il devint soudain morne
Et se dit encore : « J’achèterai un cheval !
Il se nourrira d’un peu d’herbe dans le val,
Ne me coûtera rien, et sera ma monture. »
Sur son cheval quelqu’un passait d’aventure
Et le meunier lui dit : « mon brave cavalier,
Pour ton cheval chenu au pas irrégulier
Je te donne ma vache aux pesantes mamelles. »
Sur son cheval il dit : « Ah ! quelle haridelle !
Quand je ne voyagerai plus, ça ne sera bon
A rien, ma foi ! Pourquoi ce cheval moribond ?
Je ferai mieux d’acheter, à la place, une chèvre. »
Et comme tourmenté par une grande fièvre,
Le meunier s’agitait et était affligé.
Il vit soudain passer devant lui un berger :
« Pour ce cheval, lui dit-il, qui est beau et preste,
Je veux ta chèvre la plus belle et la plus leste. »
Le berger accepta. « Et puis-je la choisir ? »
« Oui ». Et le meunier en choisit une à loisir,
Et qui en vérité était la plus grasse.
Mais il s’en ennuya bientôt, et l’âme lasse,
Se dit : « Ah ! que faire de ce fourbe animal ?
C’est capricieux, et ses caprices font bien mal !
Je pourrai mourir à cause de cette bête. »
Alors qu’elle mangeait calmement son herbette,
Un homme passa. « Venez, bonhomme, je vends
Cette chèvre grasse et leste comme le vent. »
« Combien ? » « Vingt francs. » « C’est fait. » après quelques heures,
Notre meunier, avant de gagner sa demeure,
Pensa : « Je suis bien sot ! J’ai vendu mon moulin
Pour vingt francs ! Je serai cette fois plus malin :
Je vais acheter des poussins et une poule !
Tous les matins j’aurai de beaux œufs en foule  
Et de temps à autre mangerai un poulet. »
Cependant qu’il rêvait de la sorte et allait,
Il s’arrêta devant une petite ferme.
Il négocia un peu et, bien qu’il fût ferme,
Acheta à vingt francs la poule et les poussins.
Les conduire fut bien difficile ; à dessein
De s’en débarrasser, le meunier qui erre
Les échangea contre un sac de pomme de terres
Qu’il finit par trouver lourd et jeta, furieux,
Dans une rivière en jurant contre Dieu.
A sa femme il conta, chez lui, toute l’affaire,
Qui lui dit : « Tu as bien fait ! tu pouvais tomber
Et ce sac pouvait comme un bossu te courber.
Tu reviens sain et sauf, j’en remercie la Vierge. »

Je vous souhaite, jeunes hommes aux épaules larges,
Une aussi bonne épouse ; et vous, pour vos deniers,
N’épousez pas, jeunes filles, un pareil meunier !


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Mon avis sur cet article: