le joyeux misère
Un riche homme
mourut un jour. « Pan ! pan ! pan ! pan ! »
Fit-il, à la
porte du paradis frappant.
« Qui est
là ? » demanda-t-on. « Je m’appelle Jacques,
Je suis le plus
riche de Bilia. » « On s’en moque !
Que veux-tu,
étranger ? » « Entrer au paradis. »
« Va plutôt
aux enfers. Ne fus-tu pas, jadis,
Avare et sans
pitié pour les malheureux pauvres ?
C’est pour les
bienfaisants que cette porte s’ouvre,
Et pour ceux qui
savent chérir comme donner. »
Et le saint lui
ferma bientôt la porte au nez.
Jacques le riche
alla s’asseoir sur un banc vide,
Attendant un
moment plus propice, livide.
« Pan !
pan ! pan ! » « Qui est là ? » « Je
suis le pauvre Jean,
Père de trois
enfants qui mourut sans argent,
Sans rien dans
les poches et sans rien dans le ventre. »
« Je te
connais, mon bon Jean ; au paradis entre. »
A la porte on
frappa de nouveau. « Qui est là ? »
« Je m’appelle
François et je suis triste et las. »
« Et
pourquoi te crois-tu d’entrer ici digne ? »
« Si je
crois mériter cette faveur insigne,
C’est parce que
c’était sur terre, mon enfer !
Une femme
affreuse me tenait dans ses fers ;
Colérique, j’étais
son malheureux esclave. »
« Tu es
alors plus sot, l’ami, que tu n’es brave.
Le paradis n’est
point pour les faibles d’esprit. »
« Pan !
pan ! pan ! » « Qui est-ce ? » « J’arrive,
bien marri !
Sur terre on me
nomme, mon seigneur, Misère.
Mort à cause du
vin et de l’adultère,
Je viens ici, le
cœur empli de mille remords. »
« Et qu’as-tu
fait de bon, Misère, avant ta mort ? »
« Je n’ai
rien fait, hélas ! Mais à chaque aurore
Je priais saint
Bernard, que je prie encore. »
On questionna le
saint qui, sans sévérité,
Soutint que
Misère disait la vérité,
Le priant dans
la joie et dans la détresse.
Saint Pierre
congédia Bernard aux belles tresses,
Et malgré ses
propos ne voulut point laisser
Entrer au
paradis le bonhomme blessé.
« Tu n’as
rien fait de bon de tes vivantes heures
Et ne peux
entrer à la céleste Demeure. »
Et le saint d’ordonner :
« Va-t’en aux noirs enfers. »
Et fermer
bruyamment derrière lui la porte
En laissant
Misère à ses rêves et sa perte.
Avant qu’il ne
le fît – nous allions l’oublier –
Saint Pierre lui
souffrit de laisser ses souliers
Au paradis. « Ne
viens plus ici, Misère ! »
Ordonna-t-il
avec violence au pauvre hère.
Ta place est aux
enfers ; du Royaume de Dieu
Tu ne verras
jamais le doux soleil radieux. »
Or un jour – une
fois n’est point coutume –
Saint Pierre fut
si las qu’avec amertume,
Forcé, saint
Antoine bientôt le remplaça
Et des cent
demandeurs de l’éden se lassa,
Faciles repentis
et pécheurs téméraires,
Aussi vite que
son éternel confrère.
Misère s’aperçut
rapidement du changement.
Il frappa à la
porte ; on lui dit rudement :
« Que
veux-tu ? » « Je suis parti faire des courses
A saint Pierre,
et je suis revenu. » « Où est sa bourse ?
Tu n’es qu’un vil
menteur à rosser avec soin. »
« Si vous ne
me croyez pas, voyez, dans le coin
Mes souliers ;
je les ai laissés en partant vite. »
Saint Antoine les
vit. Et voilà qu’il invite
Le pauvre hère à
entrer, qui, content, va dîner.
Il ne savait
bêcher, tisser, ni jardiner,
Et des jeunes
filles on lui confia la garde.
Sainte Marguerite
vit, fâchée et hagarde,
Les vierges tout
à coup grossir étrangement
Et alla au Seigneur
parler de ce changement.
Le Seigneur,
irrité, fit venir Misère :
« Malheureux !
qu’as-tu fait ? » s’écria-t-il, sévère.
« J’ai
continué à vivre comme jadis
Car j’ai cru qu’en
venant ici au paradis
Vous voulez que j’oublie
une si pauvre vie. »
« Ah,
orgueil de Satan ! Elle a été ravie
A de meilleurs
que toi, resté obéissants ! »
Dieu appela sa
garde, et étant tout-puissant,
Il chassa Misère
de son doux Royaume,
Et vous le
trouverez partout chez les hommes.
[FIN DU CONTE: LE JOYEUX MISÈRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
dimanche 10 avril 2016
Conte: Le joyeux Misère
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