CONTE: POVERELLO (PARTIE Vi)
VI. Comment Poverello devint riche et fut tiré d’affaire
Frère, hôtelier, moines, maître de la
mule,
Tout ce beau monde que la vengeance
stimule
Arriva devant le juge, accusant,
furieux,
Poverello de tous les crimes peu
glorieux.
« Poverello, lui dit le président,
vous êtes
Par votre frère accusé de voler sa bête
Alors qu’il dit avoir voulu vous
assister,
Ensuite à la fiera de vous en délester.
Est-ce la vérité ? » « Non,
ce n’est qu’un mensonge,
Monsieur le Président ; mon frère a
fait ce songe .
Je lui ai demandé de me prêter son bœuf
Pour travailler, car chez moi je n’ai
point un œuf,
Mais il m’a obligé à travailler, ce
fourbe,
Moi son pauvre frère que la misère
courbe,
Au jour de Noël, et je n’ai pu refuser,
Quitte à courroucer, à feindre ou à
amuser,
Car mes enfants ont faim, hélas !
et pleurent encore
Depuis que je les ai laissés, dès l’aurore.
Sous mes pas fatigués la terre s’entrouvrit
Et engloutit et bœufs et charrue qu’elle
prit.
Moi-même j’ai failli tomber dans le
gouffre.
Ayez pitié, monsieur, d’un hère qui
souffre ! »
Le juge, contre le méchant frère irrité,
Lui dit : « Tu m’as caché
la sombre vérité,
Je te condamne à deux mille francs d’amende
Et de payer cinq cents francs je te
commande
Jusqu’à ce que tes biens de terre soient
sortis,
Tous les ans. Te voilà de ton sort
averti.
Et toi donc, l’hôtelier, qu’est-ce que
tu réclames ? »
« Que ce coquin qui est devant vous
rende l’âme !
Le voyant victime de la fatalité,
J’ai daigné lui offrir mon hospitalité ;
Pour me récompenser, ce petit infâme
A fait avorter ma malheureuse femme. »
« Ah, mais cela ne fut qu’un
fâcheux accident !
S’écria le hère ; monsieur le
Président,
Cet hôtelier n’est point bon comme il le
conte,
Il m’a chassé d’abord sans en avoir
honte
Car je n’ai point d’argent, de me voir
irrité.
C’est sa bonne femme qui sans sévérité,
Moins cruelle que lui, fut ma douce
hôtesse,
Et son destin remplit mon coeur de
tristesse.
La pauvre a avorté en me voyant manger
Deux pisticcine ; que savais-je du
danger ?
Pouvais-je deviner ce qu’elles lui
feraient
Et que fatales à son enfant elles
seraient ? »
Le juge demanda, de ce récit surpris :
« Madame, votre fils a-t-il ainsi
péri ? »
« Oui, répondit la bonne hôtesse, c’est
vrai, sire. »
« Ce jeune homme que tu as voulu
faire occire
N’a rien fait, hôtelier, et il est bon
et franc.
Je te condamne à lui payer trois mille
francs.
Et toi, le muletier, quelle est ta
complainte ? »
« Au nom de Dieu et de toutes les
choses saintes
Je veux que cet homme me paie incontinent
Ma bête mutilée et dont l’impertinent
A arraché la queue d’une façon cruelle. »
« Mais je l’ai aidé et j’ai eu
pitié d’elle !
S’écria le jeune homme ; en voulant
la sortir
De la profonde boue que j’ai vue l’engloutir,
Il y eut un accident ; je ne suis
point coupable. »
Le muletier alors, comme un pauvre
diable,
Jusqu’à ce que la queue arrachée
repoussât,
Fut condamné, chose qui fort le
courrouça,
A payer cent francs par an à notre jeune
homme.
Le moine, que frère Nicolas on nomme,
Paya dix mille francs. Poverello,
content,
S’en retourna chez lui, attendu bien
longtemps
Par ses enfants chéris et sa femme
inquiète.
Ils remplirent toujours leurs pesantes
assiettes,
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
samedi 7 novembre 2015
Conte: Poverello (Partie VI)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: