Le fé amoureux
Un fé, qui vivait
dans une chaumière,
Etait amoureux
d’une jeune fermière.
Près de la
cheminée qui était son logis
Comme son cœur par
les flammes toujours rougi,
Dans la quiétude
du soir, il venait lui dire
Son amour, à la
main une rose ou une lyre,
Epris de ses
charmes doux, il lui contait
Tandis qu’elle
souriait et qu’elle tricotait
Les vaillants
récits des chevaliers magnanimes,
Lui murmurant
souvent : « Tisseuse sublime,
Vous êtes ma
Parque au front beau et hautain,
Silencieuse et
belle, vous filez mon destin !
Lorsque je vous
vois vous lever comme l’aurore
Devant mes yeux
éblouis et qui vous adorent,
Je me réveille de
mon éphémère sommeil ;
Je suis votre
ombre et vous êtes mon soleil !
Ayez pitié, déesse
radieuse et muette,
D’un fé qui grâce
à vous est devenu poète,
Ô, ne m’embrassez
point, souriez-moi seulement
Avec vos yeux,
étoiles volées au firmament !
Le feu qui embrase
souvent cette cheminée
Embrase mon âme à
vous aimer condamnée,
La nuit a moins
d’ombres et le jour moins de lueurs
Que les noirs
soupirs que j’ai pour vous dans mon cœur !
Aimez et souriez,
vous êtes jeune et belle !
Votre chair est
blanche comme l’aile d’une hirondelle,
Le bleu de vos
yeux est plus profond et plus pur
Que le bleu de la
mer et le bleu de l’azur,
Et votre
chevelure, ténébreuse auréole,
Est noire comme la
nuit qui endort et console
Bien que rien ne
puisse désormais consoler
Votre amant qui
avec vous voudrait s’envoler
Dans le ciel, en
cherchant un bienheureux rivage
Où le printemps
est doux et n’est point volage
Et où le soleil
pour nous deux reluit toujours
Eternel et
radieux, pareil à mon amour ! »
Losandre –c’est le
nom de l’heureuse égérie
Qui par le fé
était courtisée et chérie–
En souriant à son
amant d’un sourire doux
Lui
disait : « Cache-toi, mon mari est jaloux »
Son mari, c’était
un laboureur fort rude
S’appelant
Rodolphe. Un soir, changeant ses habitudes,
Il était revenu au
foyer très tôt
Et il entendit les
soupirs du fouletot.
Courroucé, il
battit sa tremblante femme
Et
cria : « Moi, cocu ! Garce ! Sur mon âme,
Quand demain
reluira, je tuerai ce lutin,
Il vivra ce soir
et il mourra au matin !
Il y a deux choses
que nul ne me dérobe :
Ma jument et ma
femme ! » Et il porta la robe
De sa femme
éplorée, qu’il prit soin d’enfermer
Dans sa chambre. Devant
le doux feu allumé,
Il faisait
semblant de tricoter quelque chose.
Le fé vint, dans
sa main il avait une rose,
Il avait des
larmes aux yeux et l’amour au cœur,
Et dit à
Rodolphe déguisé : « Ô, rancœur,
Ô, sombre jalousie d’un rival sévère !
Madame,
n’avez-vous rien ? Sa noire colère
N’a-t-elle point
bleui de votre corps quelque endroit ? »
Rodolphe, de sa
femme imitant la voix,
Répondit au
fé : « Non, approche pour qu’on s’aime »
Et quand il
s’approcha, le poussa dans la flamme.
Les années ont passé
et nul ne se souvient
Des amours du fé
et de l’ire du mari. Rien
De ce récit n’est
resté dans les pâles mémoires.
Or, si on passe
près de cette chaumière noire
Abandonnée comme
une épave dans le récif
Et appesantie par
le faix des ans pensifs,
Si on passe près
de cette chaumière, vous dis-je,
On verra que
l’amour y fait des prodiges :
En disant :
« Rodolphe » on entend un hurlement
Et en
disant : « Losandre » un petit rire charmant.
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
mardi 3 juillet 2012
Le fé amoureux
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