La générosité de Hatem Ta’i
Le désert, comme
on ouvre une porte fermée,
Ouvrait
monstrueusement sa gueule enflammée
Pour dire quelque
chose de mystérieux à la nuit,
Amante tragique du
soleil qui luit
Et qui sur sa
bouche et sur son front garde
Son baiser ardent
et sa caresse hagarde.
Pareil à un
fantôme, un sombre voyageur
Appesanti par le
fardeau de la chaleur
Et des sables,
flots jaunes ardents comme des braises,
Errait lentement,
à cette heure où se taisent
Toutes les
créatures, et où les lions assoupis
Dans leurs antres
cachés, cherchent un peu de répit.
Son cheval était
las et sa gourde était vide,
Sur son front il
avait la marque livide
D’une guerre
farouche ou d’une grande mission.
Est-ce au nom de
l’amour ou de la nation
Qu’il erre ainsi,
seul dans ce désert immense ?
Où finit son
voyage ? Où est-ce qu’il commence ?
On ne sait. Et
rien ne semblait ralentir
Ce chevalier qu’on
vit à l’aurore partir
En embrassant
doucement sa femme tremblante.
Mais il n’est
qu’un homme. Si la pâle épouvante
Ne l’empêchait pas
de marcher ainsi sans fin,
Il était
essoufflé, il avait soif et faim.
Le Sahara à nul
homme n’ouvre sa porte
Et n’est
hospitalier que pour les choses mortes
Et les bêtes
légendaires qui l’emplissent de leurs cris.
On y entend les
vers des poètes épris
Qui sont morts en
chantant une beauté fière,
Et les soupirs des
goules ennemies de la lumière,
On y voit passer
des chevaux sans cavaliers.
Soudain, dans ce
désert inhospitalier
Doux aux spectres
comme il est aux vivants funeste,
Le chevalier vit une
tente modeste
Mais qui, accablé
par la fatigue, lui semblait
Un port dans la
tempête, dans la ville un palais.
Il descendit de
son cheval et dit à l’ombre :
« Je voyage depuis
des heures sans nombre,
Quelqu’un vit-il
ici ? Je ne suis pas gourmand,
Je veux boire et
me reposer seulement »
Une voix lui
répondit : « Ô, étranger, entre »
Il entra et vit,
dans cet aimable antre,
Un homme en
haillons avec ses deux enfants
Et sa femme maigre
et plus blanche qu’un olifant.
L’homme,
l’accueillant avec un radieux sourire,
Dit à sa
femme : « Ce chevalier soupire
Et il a l’air
d’avoir soif. A boire apporte-lui »
Puis avec son
sourire qui toujours reluit
A l’un de ses
enfants il dit : « Donne à boire
A son cheval
aussi. Nos provisions sont rares
Mais notre invité
a faim et il est très las.
Femme, nous avons
une seule chèvre. Egorge-la »
Le chevalier but
et mangea comme quatre hommes
Et dit à son
hôte : « Par Dieu ! Comment tu te nommes ?
Es-tu ange ?
T’appelles-tu Générosité ?
Malgré cette heure
indue, malgré ta pauvreté,
Tu m’accueilles
comme un roi dans ton humble gîte !
Prends cet or, tu
es bon et tu le mérites »
L’homme
dit : « Chevalier, pour toi garde ton or,
Je ne le prendrai
point, je n’ai point de remords.
Je suis Hatem
Ta’i, à mes hôtes blêmes
Je donne tout, hormis
mon épée et ma femme »
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
samedi 7 juillet 2012
La générosité de Hatem Ta’i
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