vendredi 16 octobre 2015

Conte: Poverello (Partie V)

CONTE: POVERELLO (PARTIE V)


V. D’autres malheurs frappant Poverello en route

Voyageant, le pauvre hère vit en route,
Chose qu’il ne crut point hasardeuse sans doute,
Un homme et sa mule dans les serres d’airain,
Ne pouvant s’avancer, d’un bien fangeux terrain.
« Aidez-moi, je vous prie ! Ou ma pauvre monture
Ne sera bientôt qu’une horrible pourriture. »
Le coeur ennemi de la prudence et la langueur,
Poverello l’aida avec tant de vigueur
Qu’en tirant par la queue la mule prisonnière
Elle fut arrachée à cette dernière.
« Malheureux ! s’écria son furieux conducteur,
Tu me le paieras ! Le juge sera lecteur
De ton arrêt de mort désormais certaine ! »
Et il lui demanda d’une voix hautaine :
« Comment t’appelles-tu ? » « Poverello, monsieur. »
« Eh bien ! Poverello, va, petit malicieux,
Nous nous retrouverons à Bastia devant le juge.
Tu ne peux te cacher et tu n’as nul refuge !
Ma mule, qui portait jadis tous mes fardeaux,
M’a coûté deux cents francs. T’en ferai-je cadeau ?
Non, parbleu ! Tu auras ce que tu mérites !
Va-t’en de devant moi, disparais, tu m’irrites ! »
Poverello était empli de désespoir
Et comme la sombre nuit son coeur était noir :
« Hélas ! se lamentait-il, las des vents contraires,
Par l’hôtelier, cet homme et même mon frère,
De crimes que je n’ai point commis accusé,
Je vois que le sort de moi s’est bien amusé !
Mon frère d’accuse d’être un voleur infâme,
L’hôtelier d’avoir fait avorter ma femme,
Cet homme d’estropier, cruel, son animal !
Et pourtant, innocent, je n’ai rien fait de mal !
Ce qui m’attend, c’est la prison perpétuelle,
Et je trouve la mort beaucoup moins cruelle ;
Allons, il faut mourir. Seigneur, ayez pitié !
Pourvu que je ne sois pas en enfer châtié.
Mais c’en est assez. Il faut que je trépasse. »
Et du haut d’un rocher se jeta dans l’espace.
Malheureusement pour lui, des moines étaient en bas
Se promenant ; sur le bras de l’un d’eux il tomba
Et il le lui cassa sans égratignure.
Voilà donc le moine blessé qui jure
De se venger, comme ses confrères furieux.
Après lui avoir dit maints propos injurieux
Les moines se calmèrent et firent la promesse
D’aller tous à Bastia à la prochaine messe
Pour faire condamner le pauvre voyageur
Qui les quitta bientôt, à ses malheurs songeur.


[A SUIVRE]




Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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