lundi 5 octobre 2015

Conte: Poverello (Partie II)

CONTE: POVERELLO (PARTIE II)


II. Ce qui arriva à Poverello, qui fut obligé de travailler le jour de Noël

Poverello rentré, sa femme mécontente
Et qui s’impatientait de sa longue attente,
Lui dit : « Quand tu étais sorti, on est venu
T’appeler pour labourer un champ fort mal tenu.
Je leur ai dit que ce sera chose faite ;
Ton travail nous aiderait à passer les fêtes
De Noël, nous n’avons pas sous ce toit un œuf. »
« Je veux bien travailler. Mais où trouver un bœuf ?
Nul ne travaille en cette occasion solennelle
En plus ; ma besogne serait criminelle,
Les laboureurs aussi bien que les moutonniers,
Et j’en viendrai sûrement à être excommunié. 
Laisse-moi tranquille. Sous de meilleurs auspices,
Je travaillerai à une heure plus propice. »
« C’est vrai. Mais ton frère a labouré tous ses champs,
Et il consentira, même s’il est méchant,
A te prêter deux bœufs pour que tu lui rendes
Ses pains et sa farine au prix de son offrande. »
Poverello partit, à la porte frappant
Une nouvelle fois. « C’est moi, ouvre. Pan ! pan ! »
« Je t’ai pourtant bien dit de me laisser tranquille !
Parle, que me veux-tu ? Je dois aller en ville. »
Poverello lui dit, à son frère inhumain :
« Prête-moi deux de tes bœufs, et après-demain
Je pourrai travailler avec et te rendre
Tes pains et ton boisseau sans te faire attendre. »
« De revenir encore tu es bien audacieux !
Je ne te prêterai jamais mes bœufs précieux. »
« Mais, mon cher frère, ils ne te sont plus utiles
Car tu as labouré tous tes champs fertiles. »
« Ce sont mes affaires ; cesse de t’en mêler.
Viens-tu chez moi afin donc de me quereller ?
Si tu veux travailler demain, je te les donne. »
« Demain ? Excuse-moi si je m’en étonne,
Mais demain, c’est le jour de Noël. Je ne peux... »
« Je le sais. Prends mes bœufs demain si tu les veux. »
Poverello les prit et alla dès l’aurore
Labourer avant qu’il ne fût jour encore.
Les paysans furieux ainsi que le curé
Eurent beau gronder le laboureur déluré,
Il ne s’arrêta point, malgré leurs remontrances,
Et il continuait avec assurance.
Mais lorsque tinta la cloche sonnant midi,
La terre s’entrouvrit ; charrue et bœufs maudits
Furent engloutis dans ses entrailles livides.
Poverello faillit tomber dans le vide
Et fut sauvé par la branche d’un arbre épais
Où il s’accrocha, sous lui, de funèbre aspect,
Voyant le gouffre qui menait à la géhenne
Et poussait de furieux rugissements de haine.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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