CONTE: LE RUSÉ VOLEUR (PARTIE Ii)
II. Comment le rusé voleur réussit à voler le curé
et à se tirer d’affaire
Notre voleur, qui l’heure opportune
attendit,
Alors que le curé sommeillait descendit,
L’œil aiguisé, devenu soudain
redoutable,
Et vola trois vaches d’abord à l’étable,
Ravit à l’écurie ensuite deux chevaux
Sur lesquels il s’enfuit avant le jour
nouveau.
Trouvant en chemin un riche propriétaire
A la grande maison et aux vastes terres,
Il lui proposa de lui vendre un cheval
Qu’il lui vanta longtemps pour avoir son
aval.
« Tu parles trop ! Combien
veux-tu pour ta bête ? »
Demanda le riche homme. « Ça mange
bonne herbette
Et ça peut aller dix lieues sans être
souffrant,
Répondit le voleur, j’en veux donc cinq
cents francs. »
« Cinq cents francs ! Diable !
Est-ce donc une merveille ? »
« Oui, regardez : ça a
longtemps marché la veille
Et c’est toujours fringant, de marcher
point marri. »
« Eh bien ! pour que je te
croie, faisons un pari :
Si à Propriano, à mon autre demeure,
Ton cheval arrive en seulement trois
heures,
Je te l’achèterai. Tu me donneras sinon
Cent francs, et garderas ton inutile
ânon. »
« C’est convenu. » Voleur et
acheteur partent,
Et après deux heures à errer de la
sorte,
Arrivent au village du curé au moment
De la messe. Le pieux acheteur
diligemment
S’arrête et dit : « Je
veux entendre la messe. »
« Et notre marché ? » « Je
te fais la promesse
D’acheter ton cheval, car il me semble
bon.
Mais entre avec moi. » « Je
suis bon chrétien, mais non.
Les gens sont fous ici, d’une sombre
manière.
Laissons ces dangereux fauves dans leur
tanière. »
Mais le voleur eut beau l’alarmer et
ruser,
Il ne put au fervent acheteur rien
refuser
Et il se cacha en entrant dans un coin
sombre,
Voilé au curé et sa famille par l’ombre.
Mais la sœur du curé, malgré sa
précaution,
Et comme il attira ainsi son attention,
Le reconnut et dit tout bas son nom
étrange :
« Ma mère, ma mère, vois, Ça-me-Démange ! »
« Gratte-toi, ma fille. »
répondit la maman.
Mais elle lui redit alors impatiemment :
« Ça-me-Démange ! Ça-me-Démange,
mère ! »
« Au lieu de t’alarmer pour une
chimère,
Gratte-toi l’œil et sois tranquille. Il
est odieux
Qu’on élève sa voix dans la maison de
Dieu. »
La fillette rougit et resta silencieuse.
La mère du curé, une vieille crieuse,
Vit l’ancien domestique à son tour et
cria :
« Dominus-Vobiscum ! » et
son fils la pria :
« Taisez-vous maintenant, ma mère,
de grâce ! »
« Dominus-Vobiscum ! » « Que
cela m’embarrasse !
Taisez-vous, ma mère, car je suis le
diseur
De la messe, et je ne suis point un
amuseur !
Vous me faites honte. » Et il fit
taire la vieille.
Quand il vit le voleur qui le vola la
veille,
Le curé, courroucé de perdre son
cheptel,
Cria avec furie du haut de son autel :
« J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil ! J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil,sires ! »
Tout le monde éclata à ces mots de rire,
Et l’on crut le curé, qui répéta ce cri,
Devenu fou. Il fut de l’église proscrit,
Le voleur et l’acheteur, profitant du
tumulte,
Quittèrent promptement l’étrange lieu de
culte,
Et l’acheteur lui dit : « Vous
aviez bien raison !
Ces gens sont fous, je vais dire des
oraisons,
Quand je serai chez moi, pour leurs
pauvres âmes.
Adieu, l’ami. Quittons ce village
infâme. »
Le cheval du curé vendu, un autre jour,
Notre voleur joua un autre mauvais tour
Dans une autre contrée, et rendit livide
Tout le monde, car son sac n’était
jamais vide.
Quant au pauvre curé, moqué par tous les
siens,
Bien qu’il expliquât sans fin à ses
paroissiens
Que « J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil »
était le nom étrange
De son ancien valet, on le prit en
échange
De son éloquence fort longtemps pour un
fol,
Et lui riait chaque fois qu’il passait
au col.
[FIN DU CONTE: LE RUSÉ VOLEUR]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
dimanche 16 août 2015
Conte: Le rusé voleur (Partie II)
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