dimanche 16 août 2015

Conte: Le rusé voleur (Partie II)

CONTE: LE RUSÉ VOLEUR (PARTIE Ii)


II. Comment le rusé voleur réussit à voler le curé et à se tirer d’affaire

Notre voleur, qui l’heure opportune attendit,
Alors que le curé sommeillait descendit,
L’œil aiguisé, devenu soudain redoutable,
Et vola trois vaches d’abord à l’étable,
Ravit à l’écurie ensuite deux chevaux
Sur lesquels il s’enfuit avant le jour nouveau.
Trouvant en chemin un riche propriétaire
A la grande maison et aux vastes terres,
Il lui proposa de lui vendre un cheval
Qu’il lui vanta longtemps pour avoir son aval.
« Tu parles trop ! Combien veux-tu pour ta bête ? »
Demanda le riche homme. « Ça mange bonne herbette
Et ça peut aller dix lieues sans être souffrant,
Répondit le voleur, j’en veux donc cinq cents francs. »
« Cinq cents francs ! Diable ! Est-ce donc une merveille ? »
« Oui, regardez : ça a longtemps marché la veille
Et c’est toujours fringant, de marcher point marri. »
« Eh bien ! pour que je te croie, faisons un pari :
Si à Propriano, à mon autre demeure,
Ton cheval arrive en seulement trois heures,
Je te l’achèterai. Tu me donneras sinon
Cent francs, et garderas ton inutile ânon. »
« C’est convenu. » Voleur et acheteur partent,
Et après deux heures à errer de la sorte,
Arrivent au village du curé au moment
De la messe. Le pieux acheteur diligemment
S’arrête et dit : « Je veux entendre la messe. »
« Et notre marché ? » « Je te fais la promesse
D’acheter ton cheval, car il me semble bon.
Mais entre avec moi. » « Je suis bon chrétien, mais non.
Les gens sont fous ici, d’une sombre manière.
Laissons ces dangereux fauves dans leur tanière. »
Mais le voleur eut beau l’alarmer et ruser,
Il ne put au fervent acheteur rien refuser
Et il se cacha en entrant dans un coin sombre,
Voilé au curé et sa famille par l’ombre.
Mais la sœur du curé, malgré sa précaution,
Et comme il attira ainsi son attention,
Le reconnut et dit tout bas son nom étrange :
« Ma mère, ma mère, vois, Ça-me-Démange ! »
« Gratte-toi, ma fille. » répondit la maman.
Mais elle lui redit alors impatiemment :
« Ça-me-Démange ! Ça-me-Démange, mère ! »
« Au lieu de t’alarmer pour une chimère,
Gratte-toi l’œil et sois tranquille. Il est odieux
Qu’on élève sa voix dans la maison de Dieu. »
La fillette rougit et resta silencieuse.
La mère du curé, une vieille crieuse,
Vit l’ancien domestique à son tour et cria :
« Dominus-Vobiscum ! » et son fils la pria :
« Taisez-vous maintenant, ma mère, de grâce ! »
« Dominus-Vobiscum ! » « Que cela m’embarrasse !
Taisez-vous, ma mère, car je suis le diseur
De la messe, et je ne suis point un amuseur ! 
Vous me faites honte. » Et il fit taire la vieille.
Quand il vit le voleur qui le vola la veille,
Le curé, courroucé de perdre son cheptel,
Cria avec furie du haut de son autel :
« J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil ! J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil,sires ! »
Tout le monde éclata à ces mots de rire,
Et l’on crut le curé, qui répéta ce cri,
Devenu fou. Il fut de l’église proscrit,
Le voleur et l’acheteur, profitant du tumulte,
Quittèrent promptement l’étrange lieu de culte,
Et l’acheteur lui dit : « Vous aviez bien raison !
Ces gens sont fous, je vais dire des oraisons,
Quand je serai chez moi, pour leurs pauvres âmes.
Adieu, l’ami. Quittons ce village infâme. »

Le cheval du curé vendu, un autre jour,
Notre voleur joua un autre mauvais tour
Dans une autre contrée, et rendit livide
Tout le monde, car son sac n’était jamais vide.
Quant au pauvre curé, moqué par tous les siens,
Bien qu’il expliquât sans fin à ses paroissiens
Que « J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil » était le nom étrange
De son ancien valet, on le prit en échange
De son éloquence fort longtemps pour un fol,
Et lui riait chaque fois qu’il passait au col. 

[FIN DU CONTE: LE RUSÉ VOLEUR]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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