samedi 15 août 2015

Conte: Le rusé voleur (Partie I)

CONTE: LE rusé voleur (PARTIE I)

Vocabulaire: Pievano: curé d'une "piève"/ Dominus-Vobiscum: "Le Seigneur est avec vous" ou "que le Seigneur soit avec vous." 

I. Ce que fit un rusé voleur chez un bon curé

Un voleur, qui était malin et déluré,
Frappa un jour à la porte d’un bon curé.
« Que voulez-vous, mon brave ami ? » « Je veux être
Votre domestique, et que vous soyez mon maître. »
« Hélas, mon bon garçon, je n’en ai pas besoin
Hormis pour prodiguer à mes vaches des soins. »
« Bien ! j’ai été berger et je sais le faire,
Je pourrai les soigner et je vais vous plaire. »
« Combien demandes-tu ? » « Rien, je suis étranger,
Et je ne veux qu’avoir à boire et à manger,
Répondit le voleur, sans faire ripaille,
Et pour dormir il me suffit d’un peu de paille. »
« Eh bien ! je t’accepte. » dit le curé, content
D’un pareil domestique, à sa femme contant
Cette fort bonne affaire en l’appelant sa belle.
Sans être aux désirs de son maître rebelle,
Le valet qui semblait, dans son ardeur, ailé,
Soignait très bien les vaches et les chevaux, zélé,
Se couchait de bonne heure et faisait sa prière.
Le voyant si pieux et ses mains si ouvrières,
Le curé, ravi, lui dit : « Je dois t’avouer
Que je n’ai jamais vu plus brave et dévoué
Domestique que toi, et aimant la chapelle. 
Dis-moi, mon bon garçon, comment on t’appelle ? »
« Je ne veux point vous en voir, monsieur, affligé,
Mais je me vois de ne rien vous dire obligé. »
« Comment ? Pourquoi cela ? » « Ah ! je vous en supplie !
Car mon nom est si laid qu’il faut que l’oublie.
Je n’ose devant vous, monsieur, le prononcer,
Et à votre question vous prie de renoncer. »
« Dis toujours. Je suis peu surpris à mon âge. »
Et le fourbe, content de ce bon ménage,
De répondre : « Vous le dire est donc mon devoir
Comme vous semblez tant tenir à le savoir.
Mon nom est J’ai-Trois-Poils-Dans-l’Œil. » « Quel nom étrange !
S’écria le curé, et que dire dérange
En effet ! Mais, mon bon garçon, je le tairai
Et à nul autre humain jamais ne le dirai. »
La sœur du pievano, comme elle était humaine,
L’ignorait elle aussi. « Depuis une semaine,
Dit-elle au prétendu valet, vous travaillez
Et je ne sais toujours pas votre nom. Veuillez,
Car je le veux savoir, mon garçon, me le dire. »
« Il est si laid qu’il va vous faire sourire ;
C’est pourquoi je ne veux pas vous le révéler,
J’aimerais, madame, à tous toujours le sceller. »
« Dites-le-moi toujours. » « C’est : Ça-me-Démange. »
« C’est en effet un nom qui est bien étrange,
Et je comprends pourquoi vous le voulez cacher !
J’en ferai de même pour ne pas vous fâcher. »
La mère du curé, qui était commère,
Dit aussi au voleur : « Je suis bien amère
D’ignorer votre nom. Faites-moi le plaisir
De me le dire. » Il ne voulut point son désir
Au début exaucer, puis lui dit : « Madame,
Dominus-Vobiscum est mon nom. » « Sur mon âme !
Voilà un nom qui est bien étrange et inouï ! »
« Le cacherez-vous à tout le monde ? » « Oui, oui,
Et je vous le promets. C’est vicieux que je conte
A tout le monde un nom qui vous fait si honte. »  

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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