mardi 4 août 2015

Conte: La bête à sept têtes (Partie II)

CONTE: LA BÊTE À SEPT TÊTES (PARTIE Ii)


II. Ce qui arriva à Bertu, l’âne de Bertuolo, et ce que ce dernier put faire grâce à ses deux gâteaux

Bertuolo voyagea quatre jours. Au dernier,
L’âne était fatigué ainsi que son ânier
Qui donna à manger, ne voyant pas d’herbette,
Un morceau de gâteau à la pauvre bête.
Mais à peine fut-il goûté par l’animal
Qui était affamé, qu’il s’en trouva fort mal
Et tomba aussitôt mort. Malgré sa tristesse,
Bertuolo comprit avecque prestesse
Que les deux gâteaux que sa mère avait donnés
Etaient, en vérité, par elle empoisonnés.
« Voilà qui me sera, se dit-il, utile,
Et m’aidera à braver les chemins hostiles. »
Il marcha encore longtemps sans s’arrêter,
Et après cent jours vit des voleurs s’apprêter
A lui ravir sa vie ainsi que sa bourse.
Il interrompit sans rien dire sa course,
Et on lui demanda : « Où vas-tu, étranger ? »
« J’ai bravé, répondit-il, de sombres dangers
Pour me faire brigand, sires, comme vous l’êtes. »
« On le saura si tu nous contes fabulette ;
S’il n’en est pas ainsi, jeunot, tu succomberas.
Mais viens avec nous, il nous faut de jeunes bras. »
Le cadet les suivit jusqu’à leur caserne
Qui était une noire et sinistre caverne.
« Nous sommes las, dirent-ils, d’épier les sentiers.
Qu’as-tu pour notre faim ? » « Un gâteau tout entier,
Répondit le garçon, souriant avec malice,
Qui est, en vérité, un céleste délice. »
« Et toi, que mangeras-tu ? » « J’ai déjà mangé,
Ne soyez donc pas pour moi, sires, dérangés. »
Les fripons, qui avaient grand faim, en mangèrent,
Et soudain en damnés qu’ils étaient se changèrent,
Et se mirent à se tordre et affreusement prier,
A se rouler par terre et de mourir prier,
Et expiraient dans les plus atroces souffrances.
Avant de reprendre la route de la France,
Le garçon dépouilla rapidement leur chef
Et de tous ses trésors il s’empara des clefs.
Il arriva au haut d’une montagne immense
Où il vit deux corbeaux s’abattre avec démence
Sur les cadavres de ses infâmes voleurs :
« Croua ! croua ! croua ! » Il pensa : « Ce malheur
Me serait arrivé à leur place sans doute
Sans les gâteaux avant de prendre la route,
Et sur moi chanteraient les ténébreux corbeaux. »
Il prit du repos ; quand il revit les tombeaux
Des voleurs, il vit, à côté des squelettes,
Les corbeaux qui avaient fini de faire emplette,
Qui étaient aussi morts que leur dernier repas.
« Ah ! mon gâteau, se dit-il, ne badine pas ! »
Et il continua, sans être livide,
Son voyage, le cœur léger et le sac vide. 

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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