CONTE: harpalionu
Un âne que les
faix de l’homme importunent
Se mit en tête
un jour d’aller faire fortune.
Le voilà donc
qui rompt son licol et court, court,
Des oiseaux du
printemps entendant le discours,
Dans la vaste
prairie d’elle-même amoureuse.
Il y avait
maints chardons, l’herbe était savoureuse,
Le soleil dans
le ciel était doux et radieux,
Et notre
compagnon brayait tant, si joyeux,
Qu’un lion
curieux vint voir d’où venait ce vacarme.
Il trouva notre
âne, comme objet d’un charme,
Qui dansait et
sautait, par la joie bâtonné,
Et il lui
demanda, de le voir étonné,
Car il n’avait
jamais vu bête pareille :
« Comment t’appelle-t-on ? »
Il leva ses oreilles
Et il lui
répondit : « Je suis Harpalionu. »
« Harpalionu ? »
« Oui. » « Ton nom m’est inconnu,
Tes oreilles
sont si grandes et ta peau si épaisse !
Je n’ai jamais
vu des bêtes de ton espèce ;
Quelle est ta
force ? Et es-tu au-dessus des lions ? »
« Oui, je
suis plus fort qu’eux. Quel fauve en rébellion
Oserait me
braver, sire, sans épouvante ? »
« Mon ami,
dit le lion, je crois que tu te vantes,
Et j’en serai,
si c’est le cas, bien irrité.
Mais si ce que
tu me dis est la vérité,
Pour que cette
pâle forêt de nous tremble,
Il faut faire un
traité et pactiser ensemble
Pour nous liguer
contre les autres animaux. »
« Je veux
bien. » dit l’âne. Et marchant sous les rameaux,
Les voilà partis
tous deux, âmes aventurières.
Il fallut
traverser une grande rivière :
D’un son, le
lion atteint la rive. Et le baudet
Nageait si mal,
et si maladroitement rôdait,
Qu’il faillit se
noyer. Mais voilà qu’il arrive,
Après avoir fait
mille efforts, à la rive.
Étonné de le
voir à ce point maladroit :
« Tu ne
sais pas nager ? dit le lion, cet endroit
Est pourtant
paisible, et il n’y a point d’ondes. »
« J’ai nagé
dans des eaux deux fois plus profondes,
Lui dit l’âne,
voulant passer pour un héros,
Mais ma queue a
pris un poisson si gros, si gros
Qu’il me faisait
foncer. Je l’ai chassé, ensuite,
Pour ne point
tarder l’ai laissé prendre la fuite. »
De cette réponse
le lion se contenta
Et vers la route
avec son ami s’orienta.
Ils virent
bientôt tous deux une muraille :
Le lion brave et
qui n’a point peur aux entrailles
Le franchit d’un
seul bond. Le baudet malheureux
En souffrit,
lui, comme d’un long supplice affreux,
Il leva deux
pattes comme un vieux sa canne,
Et par un
prodigieux effort, le pauvre âne
Réussit à monter
sur le mur, sans pouvoir
Aller ou
reculer. Étonné de le voir
Aussi gauche qu’avant :
« Que fais-tu encore ?
Et pourquoi
gémis-tu comme une pécore ? »
Lui demanda le
lion, de nouveau stupéfait.
« N’avez-vous
pas vu, lui dit-il, ce que j’ai fait ?
Je me pesais
pour voir quelle de mes parties
Est plus lourde
que l’autre. » « Eh bien ! ta répartie
Ne me convainc
pas, et je crois que tu me mens.
Tu es faible et
je te punirai durement. »
« Faible ?
le croyez-vous ? Parions à qui jette
Cette muraille
par terre et la rendra miettes. »
Le lion donna
des coups de pattes dans le mur,
Mais il se
blessa, et ses efforts futiles
Etaient, malgré
toute sa force, inutiles.
Il s’arrêta. L’âne
le vit soudain pâlir
Et il lui dit : « Ce
mur, je peux le démolir. »
Et il se rua
avec une telle violence
Qu’en peu d’instant
il le fit sans indolence.
« Ne
suis-je pas plus fort que vous ? » dit-il, content.
« De
démolir ce mur j’ai essayé longtemps
Et je n’ai pas
pu, moi que les bêtes vénèrent ! »
Et l’âne d’ajouter : « C’est
chose ordinaire,
De mes autres
talents vous seriez étonné. »
« Que
sais-tu faire aussi ? » « Sans être passionné,
Je peux, si je
le veux, manger des épines. »
« Des
épines ? Te voir le faire me mine !
Montre-moi donc
cela. Puissant ami, pardon ! »
Harpalionu
tondit devant des lui des chardons.
Quand il finit : « Tu
es bien extraordinaire !
S’écria le lion,
et de mes congénères
Je te nomme le
roi. » « Merci, lion, je veux bien,
Car à mes bons
amis je ne refuse rien. »
Les lions de la
contrée tous se réunirent,
Jurèrent allégeance
à leur roi et le bénirent.
Harpalionu régna
longtemps et justement
Sur ses nombreux
sujets qui vivaient fastement
Car il ne les
privait jamais de leur chasse.
Mais comme la
santé la jeunesse passe,
Harpalionu
devint fort malade et fort vieux,
Et on l’enterra,
à sa mort, aux mêmes lieux
Qui le virent
régner jadis, en grande pompe.
Les forêts,
comme d’un immense son de trompe,
Retentirent, bon
roi et de tous adoré,
Des hurlements
de ses sujets endolorés.
[FIN DU CONTE: HARPALIONU]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2166.
dimanche 9 août 2015
Conte: Harpalionu
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: