jeudi 7 mai 2015

Conte: Les Jambes de bois

CONTE: LES JAMBES DE BOIS  

Puisque d’être avec vous, mes amis, j’ai l’honneur,
Je vous souhaite de perpétuels bonheurs ;
Que ce renouvellement d’année vous soit magique !
Je vous prédis, par mes talents astrologiques,
Que grâce à vos vignes vous vendrez bien du vin.
D’une aventure qui ces derniers jours m’advint
Laissez-moi vous conter, maintenant, pour vos étrennes,
L’histoire bien étrange et qui vous surprenne.
Je me promenais le long d’un bois. J’allais finir
Ma promenade, quand je vis vers moi venir
– Que Dieu vous préserve de rencontre pareille –
Un vilain qui frappa mes yeux et mes oreilles
Par ses deux jambes de bois. Mais, mes bons amis,
Je vous souhaite le même bonheur où l’a mis
Le destin, et je sais que cela vous étonne,
Mais vous comprendrez, mes fistons et fistonnes,
Lorsque vous entendrez le discours du manant,
Que ce que je vous dis n’est en rien étonnant.
J’accostai, afin de lui parler, notre hère,
Que je priai par le Saint-Esprit et Père
De me dire d’où vint son malheur et comment.
Mon manant s’écria dans le même moment :
« Malheur ! Je ne le vois point, sire, de la sorte.
Pour moi c’est un bonheur. » Ma surprise était forte,
Je le fis expliquer. « Vous semblez oublier,
Me dit-il, que je n’ai plus besoin de souliers
Dans mon état, ni de bas. C’est là bonne épargne !
Quand je marchais, aussi, j’avais toujours la hargne
De trébucher aux pierres, ce qui jamais ne sied,
Et de voir une épine s’enfoncer dans mon pied,
De me blesser enfin, ce qui, seigneur, m’afflige
Et à garder le lit sans travailler m’oblige.
Aujourd’hui, voyez-vous, preste comme un voyou,
Tout m’est égal : boue et neige, pierres et cailloux.
Je fais mon chemin et plus rien ne m’importune,
Une route d’épines n’est point une infortune,
Un chien veut me mordre ? Je pourrai le sommer,
Vois-je errer un serpent ? Je pourrai l’assommer,
Ma femme est méchante ? Je pourrai la battre,
Suis-je auprès du feu ? Je pourrai attiser l’âtre,
Me donne-t-on des noix ? Je pourrai les casser.
Ce malheur donc, dites-vous, ne peut me lasser
Et je remercie le bon Dieu pour ce fier vice
Qui pendant huit ans m’a rendu tous ces services. »

Il serait donc, amis, d’après moi judicieux
De se faire couper les jambes, et délicieux,
A croire le manant qui s’en vanter ose,
Et Malheur est toujours bon à quelque chose.

[FIN DU CONTE: LES JAMBES DE BOIS]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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