mardi 26 mai 2015

Conte: Le Tailleur du Roi et son Sergent

CONTE: le tailleur du roi et son sergent

Un roi avait jadis un excellent tailleur,
Parmi ses compagnons, qui étaient les meilleurs,
Il avait un premier garçon fort habile,
Laborieux et qu’on ne voyait point immobile,
Malin, hélas pour son maître, nommé Nidui.
Une fête approchant, le tailleur fut conduit
A la cour, et mandé par le roi son maître
Qui devait certes les plus beaux habits mettre
Et lui livra plusieurs riches étoffes, voulant
En faire des habits augustes et riboulants.
Sans tarder le maître mit son monde à l’ouvrage ;
Pour que de voler on n’eût point le courage,
Le roi chargea son plus fidèle chambellan
De surveiller tous ces ouvriers excellents
Mais rusés sans doute, et châtier avec crânerie,
S’il en voyait jamais, la moindre friponnerie.
N’ayant jamais vu plus adroits qu’eux sous le ciel,
Le chambellan voulut régaler de miel
Le tailleur et ses braves au dîner. La chose
Leur plaît, certes, et leurs yeux sur le miel se posent
Avec cupidité. Nidui dans ce moment
Venait de sortir. La bonne odeur embaumant
Le nez de son maître, il dit : « Ce miel est tendre
Et Nidui est un rude hère. Sans l’attendre
Régalons-nous, car il préfère son pain sec ;
Rien n’est mieux, à ses yeux, à mettre sous le bec. »
Le drôle l’affirmait cependant par malice
Pour avoir la plus belle portion de ce délice
Aux dépens du garçon. Nidui, à se retour,
Avec quelque dépit apprit le vilain tour
Et médita une vengeance bien prompte.
« Mon maître est singulier, sire, et sur son compte
Je dois vous prévenir, murmura le sournois
Au chambellan, que son cerveau joue des tournois.
C’est un honnête homme, mais son infortune
Est qu’il devient toujours fou aux changements de lune,
Il lui prend des quintes qu’on ne peut oublier,
Et on est obligés de le battre et lier
Pour qu’il se calme enfin. Tenez-vous sur vos gardes. »
Du chambellan la mine devint soudain hagarde
Et il dit au garçon tout bas avec stupeur :
« Ce que vous me dites là, mon ami, fait peur !
De son prochain accès dites-moi les signes. »
« Ah ! de vous en parler je me sens indigne,
Répondit le garçon, mais il faut vous prévenir.
Vous saurez quand la bile, seigneur, va le tenir,
En le voyant chercher dans son ire rebelle
Çà et là, jurer et jeter son escabelle.
Sauvez-vous alors, ou songez à le guérir
Comme je vous l’ai dit. » « Le lier et férir,
Repartit l’officier, sera chose facile,
Il n’est point assez fort pour être indocile. »
Deux jours après, Nidui enlève adroitement
Les ciseaux du tailleur qui avec entêtement
Se mit à les chercher, crut qu’on les lui volèrent,
Se leva, jura et jeta de colère
Son escabelle au loin. Le chambellan appela
Du monde ; comme une bête alors on attela
Le tailleur, prétendu fou, qui crie et s’étonne,
Et jusqu’à en être las on le bâtonne.
Délié mais gémissant encor funestement,
Il voulait savoir d’où lui vint ce traitement.
On le lui apprend. Au garçon qu’il interroge
Il demande depuis quand sa tête déroge
Et il est devenu fou et rempli de fiel.
« Depuis le jour, dit-il, que j’abhorre le miel. »
Cette réponse fit devenir les choses claires
Et rire aux dépens du tailleur sans lui plaire.

[FIN DU CONTE: LE TAILLEUR DU ROI ET SON SERGENT]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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