CONTE: LE BOURGEOIS D'ABBEVILLE, OU LA HOUSSE COUPÉE EN DEUX (PARTIE Ii)
II. La proposition que les trois frères firent au
bourgeois, et ce qui lui arriva par la suite
Dans la même rue où le bourgeois demeure
Il y avait trois frères qui à leurs
jeunes heures
Etaient tous chevaliers, de leurs
voisins aimés
Et pour leur valeur dans le quartier
estimés.
L’aîné était veuf et avait une fille.
La pauvreté rongeait cette noble famille
Qui – le sort n’épargne ni rois ni
roturiers –
Recourut aux offices des sombres
usuriers.
La dette s’éleva vite à trois mille
livres
Et ces gens devinrent à cause d’elle
pauvres
Car leurs biens furent tous saisis ou
engagés.
Il ne resta que sa maison à l’homme âgé,
Cette belle maison était un souvenir
tendre
De sa femme, qu’il ne pouvait louer ou
vendre
Car elle revenait à la jeune fille de
droit.
En négociations resté toujours adroit,
Notre bourgeois alla, pour son fils plein
de zèle,
Demander pour lui la main de la
demoiselle ;
Les trois frères voulaient de sa bouche
savoir
Quelle était sa fortune en argent et
avoirs.
Alors il répondit : « Messires,
je possède
Quinze cents livres en tout. Dès à
présent j’en cède,
Avec un grand bonheur et sans inimitié,
La moitié à mon fils. Quant à l’autre
moitié
De cette fortune loyalement collectée,
Il l’aura après ma mort, qui sera dictée
Bientôt par le destin à qui nul mortel
chaut. »
« Noble sire, ce n’est pas là ce qu’il
nous faut,
Reprirent les frères. Nous n’avons point
de doutes
Sur votre bonne foi, mais laissez-la
toute,
L’éphémère fortune et que vous possédez,
A votre fils. Car si un jour vous
décidez
De devenir templier ou de vous faire
moine,
Vous jugerez de donner tout au couvent
idoine
Et vos petits-enfants s’en trouveront
miséreux. »
Le bourgeois, qui trouva ce prix trop
onéreux,
Refusa d’abord cette affaire criminelle,
Mais vaincu enfin par sa flamme
paternelle,
Il consentit à se dépouiller de ses
biens,
A tout donner à son fils et à n’avoir
rien
Devant quelques témoins, hormis une
écuelle
Pour déjeuner, et se mit, chose cruelle,
Dans la dépendance et dans l’éternel
besoin.
Mais le pauvre croyait que de leurs aimants
soins
Son fils et sa femme tous deux l’entoureraient
Et dans sa vieillesse morne qu’ils l’aideraient.
Les deux époux eurent un fils dont ils
furent épris,
Qui crut en âge et qui annonça de l’esprit
Et maintes qualités bienveillantes et
nobles.
Le vieillard, qui devenait de plus en
plus faible,
Demeura, lui, tant bien que mal à la
maison,
On l’y souffrait encor pour la seule
raison
Qu’il rapportait des sous grâce à son
industrie.
Mais les années ne lui firent point de
flatteries,
Et, rendu inutile par les infirmités,
On sentit maintenant son incommodité.
La dame, qui était orgueilleuse et fière,
Ne pouvait le souffrir. Elle fit des prières
D’abord à son mari, puis le persécuta
Et le menaça si bien qu’il exécuta,
De peur qu’elle quittât la demeure
conjugale,
Son dessein, et malgré ses peines
prodigales,
Son âge et tout l’amour qu’il lui avait
porté,
Alla dire à son père, fort peu
réconforté,
L’ingrat ! de rechercher ailleurs
un refuge
Sans s’attendrir sur son sort et sans
subterfuges.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
jeudi 14 mai 2015
Conte: Le Bourgeois d'Abbeville, ou la Housse coupée en deux (Partie II)
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