mercredi 13 mai 2015

Conte: Le Bourgeois d'Abbeville, ou la Housse coupée en deux (Partie I)

CONTE: Le bourgeois d'abbeville, ou la housse coupée en deux (PARTIE i)

I. Pourquoi un bourgeois d’Abbeville partit pour Paris, et ce qu’il y devint

Messires, les heureuses et rares créatures
Bénies par le talent par mère Nature
Qui le mit en eux comme une douce lueur,
Devraient bien dépenser leurs radieuses sueurs
A égayer leur roi ; comme un mets sur la table
Ils devraient mettre en bon roman ou fable
Toutes les aventures qu’ils entendent conter.
Mais nos ménétriers, que je ne puis compter,
Ne ragaillardissent plus ceux qui les écoutent
Avec des nouveautés ; les efforts qui en coûtent
Les rendent paresseux, ces bien piètres conteurs,
Et ils ennuient, comme la mort, leurs auditeurs.
Mais moi je vais, Messieurs, vous dire une histoire
Qui va vous égayer comme une victoire
Et qui est arrivée il y a déjà vingt ans
A un riche bourgeois d’Abbeville, content
De son argent, des ses maisons et ses meubles.
Il querella avec une famille noble
Et craignit si fort d’en être persécuté,
Accusé de quelque crime et exécuté,
Qu’il renonça à ses biens et à sa ville
Et vendit ses maisons à des prix fort viles,
Avec sa femme et son fils alla s’établir
A Paris, et rusé, désirant s’anoblir
Et s’enrichir, au roi du pays fit hommage
Et devint son homme. Dédaignant le chômage,
Il profita de sa science de négociant
Pour qu’il établît un commerce patient
Mais qui lui permit dans un temps minuscule
De devenir prospère et augmenter son pécule.
Il devint renommé dans tout le quartier
Et, en quelques années, dans le royaume entier,
Car il était toujours officieux et honnête,
Et il acheta, au lieu de sa maisonnette,
Une grande maison avec force valets
Et gagna, en outre, les faveurs du palais.
C’est ainsi que le bon Dieu, seigneurs, gratifie
Le probe et le juste, mais dont il vérifie
La piété, ce qu’il fit à notre commerçant
En lui prenant sa femme, avec lui traversant
Pendant trente ans les rudes épreuves de la vie.
Il pleura son épouse par le trépas ravie,
Mais leur fils lui sembla plus que lui affligé
Et de le consoler il se vit obligé.
« Ta mère est morte, lui dit-il, que Dieu m’aide
A supporter ce grand malheur sans remède !
Mais nos pleurs ne nous la ramèneront point, hélas !
Je ne suis qu’un pauvre vieillard chagrin et las,
Tu prieras pour moi comme nous prions pour ta mère,
Et mon âme comme ton âme est amère
Et à mon âge elle va la suivre et s’envoler.
Seul toi maintenant, mon fils, peux me consoler.
En venant ici j’ai fait une chose hardie,
Mes parents et amis sont tous en Picardie
Et je n’ai personne, mon cher fils, hormis toi,
Dans cette grande ville comme sous ce bon toit ;
Sois un joli sujet comme ton vieux père,
Je te trouverai fille sage et bien née, j’espère,
Et dont la famille puisse me supporter
Pour te rendre heureux et pour me réconforter. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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