CONTE: DU VOLEUR QUI VOULUT DESCENDRE SUR UN RAYON DE LUNE
Un filou pour
dessein avait de filouter
Un fort riche
bourgeois quoi qu’il pût lui coûter.
Sur le toit il
grimpa, preste comme un moustique,
Attendant le
moment où tous les domestiques
Se coucheraient,
pour qu’il pût se glisser sans hasard
Dans la maison,
et se cacher de leurs regards.
Mais le maître
dont il guettait la fortune
L’avait aperçu à
la clarté de la lune,
Et ce gaillard
était un bien rusé matois
Qui voulut faire
pendre le voleur sur son toit.
« Ecoute,
dit-il tout bas à son épouse,
Tu vas me
demander, feignant d’être jalouse,
Comment j’ai pu
avoir en peu de temps mes biens.
Je vais feindre
à mon tour de ne t’en dire rien,
Et toi, voyant
qu’à te répondre je résiste,
Ne me laisse
point en paix, presse-moi, insiste,
Je te crierai de
te taire et toi qu’il le faut,
Et tu veilleras
surtout à parler toujours haut. »
Sans savoir le
dessein de son mari, la femme
Lui posa la
question qu’il voulait avec flamme,
Mais il lui dit
d’un ton qu’il rendit mystérieux
Que c’était son
secret, et qu’il était furieux
De la voir se
mêler ainsi à ses affaires,
Qu’il ne lui
répondrait point, et qu’il préfère
Qu’elle jouisse
de ses biens sans rien demander.
Mais selon ce qu’elle
l’entendit commander
Elle la répéta
avec plus de verve.
Le mari, lui,
joua toujours la réserve,
Et elle le
pressa tant qu’il feignit céder
Et lui dit que s’il
put tous ses biens posséder
Alors qu’il
était bien pauvre et misérable,
C’est car il fut
voleur. « Vous, sire vénérable,
Un voleur !
S’écria-t-elle, l’air étonné.
Ne vous a-t-on
jamais au passé soupçonné ? »
« Non,
femme, répondit-il, j’ai eu pour maître
Un grand fripon,
mais je ne puis me permettre
De te dire son
nom. Il dérobait la nuit
En allant sur
les toits ; au moment où il fuit,
Au moment où
quelque part aussi il pénètre,
Il disait sept
fois un mot qu’il me fit connaître
Devant la lune,
et un rayon s’en détachait
Qui l’enfourchait
et où il se cachait
Pour aller sur
le toit ou pour en descendre,
Voilé par la
nuit plus noire que la cendre.
D’apprendre ce
secret j’ai donc été content,
Je n’ai pas eu
besoin de l’employer longtemps,
Aujourd’hui que
je suis riche, je suis probe,
Et jamais plus
rien à personne ne dérobe. »
« Ah !
Je vous crois, reprit la femme, sans douter.
Mais je vous
prie d’être bon, sire, et de m’écouter :
Ne me cachez
point ce mot empli de charmes,
Je ne le dirai
pas, soyez sans alarmes. »
Il le lui refusa
et se fit bien prier,
Feignit d’aller
dormir, d’hésiter, de crier,
Puis lança que
le mot qu’il faut sept fois dire
Etait seïl, et alla se coucher, plein d’ire.
Le voleur, à
tout cet entretien attentif,
Avait, hélas, l’esprit
comme le corps chétif ;
Il voulut
éprouver le mot, et s’élance,
Après l’avoir
dit, mais tombe avec violence
Et se casse une
cuisse. Le bourgeois à l’endroit
Vient en criant : « Qui
est là ? », et le maladroit
Lui répond : « Ah !
Sire, c’est un pauvre hère
Que seïl n’a pas sauvé, hélas ! de la
misère. »
On se saisit de
lui, et en un tournemain
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2164.
lundi 18 mai 2015
Conte: Du voleur qui voulut descendre sur un rayon de lune
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