lundi 18 mai 2015

Conte: Du voleur qui voulut descendre sur un rayon de lune

CONTE: DU VOLEUR QUI VOULUT DESCENDRE SUR UN RAYON DE LUNE

Un filou pour dessein avait de filouter
Un fort riche bourgeois quoi qu’il pût lui coûter.
Sur le toit il grimpa, preste comme un moustique,
Attendant le moment où tous les domestiques
Se coucheraient, pour qu’il pût se glisser sans hasard
Dans la maison, et se cacher de leurs regards.
Mais le maître dont il guettait la fortune
L’avait aperçu à la clarté de la lune,
Et ce gaillard était un bien rusé matois
Qui voulut faire pendre le voleur sur son toit.
« Ecoute, dit-il tout bas à son épouse,
Tu vas me demander, feignant d’être jalouse,
Comment j’ai pu avoir en peu de temps mes biens.
Je vais feindre à mon tour de ne t’en dire rien,
Et toi, voyant qu’à te répondre je résiste,
Ne me laisse point en paix, presse-moi, insiste,
Je te crierai de te taire et toi qu’il le faut,
Et tu veilleras surtout à parler toujours haut. »
Sans savoir le dessein de son mari, la femme
Lui posa la question qu’il voulait avec flamme,
Mais il lui dit d’un ton qu’il rendit mystérieux
Que c’était son secret, et qu’il était furieux
De la voir se mêler ainsi à ses affaires,
Qu’il ne lui répondrait point, et qu’il préfère
Qu’elle jouisse de ses biens sans rien demander.
Mais selon ce qu’elle l’entendit commander
Elle la répéta avec plus de verve.
Le mari, lui, joua toujours la réserve,
Et elle le pressa tant qu’il feignit céder
Et lui dit que s’il put tous ses biens posséder
Alors qu’il était bien pauvre et misérable,
C’est car il fut voleur. « Vous, sire vénérable,
Un voleur ! S’écria-t-elle, l’air étonné.
Ne vous a-t-on jamais au passé soupçonné ? »
« Non, femme, répondit-il, j’ai eu pour maître
Un grand fripon, mais je ne puis me permettre
De te dire son nom. Il dérobait la nuit
En allant sur les toits ; au moment où il fuit,
Au moment où quelque part aussi il pénètre,
Il disait sept fois un mot qu’il me fit connaître
Devant la lune, et un rayon s’en détachait
Qui l’enfourchait et où il se cachait
Pour aller sur le toit ou pour en descendre,
Voilé par la nuit plus noire que la cendre.
D’apprendre ce secret j’ai donc été content,
Je n’ai pas eu besoin de l’employer longtemps,
Aujourd’hui que je suis riche, je suis probe,
Et jamais plus rien à personne ne dérobe. »
« Ah ! Je vous crois, reprit la femme, sans douter.
Mais je vous prie d’être bon, sire, et de m’écouter :
Ne me cachez point ce mot empli de charmes,
Je ne le dirai pas, soyez sans alarmes. »
Il le lui refusa et se fit bien prier,
Feignit d’aller dormir, d’hésiter, de crier,
Puis lança que le mot qu’il faut sept fois dire
Etait seïl, et alla se coucher, plein d’ire.
Le voleur, à tout cet entretien attentif,
Avait, hélas, l’esprit comme le corps chétif ;
Il voulut éprouver le mot, et s’élance,
Après l’avoir dit, mais tombe avec violence
Et se casse une cuisse. Le bourgeois à l’endroit
Vient en criant : « Qui est là ? », et le maladroit
Lui répond : « Ah ! Sire, c’est un pauvre hère
Que seïl n’a pas sauvé, hélas ! de la misère. »
On se saisit de lui, et en un tournemain
Il fut livré aux juges et pendu le lendemain.

[FIN DU CONTE: DU VOLEUR QUI VOULUT DESCENDRE SUR UN RAYON DE LUNE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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