CONTE: POINT-DU-JOUR (PARTIE Ii)
II. Ce qui arriva à Point-du-Jour pendant son
voyage, et comment il put se tirer d’affaire
A l’aventure Point-du-Jour
partit encore ;
Voici le soir,
et il cheminait dès l’aurore,
Dans un arbre il
monta, comme un singeteau adroit,
Tâchant de
découvrir un propice endroit
Où il passerait
la nuit ; il vit une lumière,
Et, marchant
vers elle, trouva une chaumière.
Il entendit une
voix bientôt l’interroger :
« Qui es-tu ? »
« Ayez le bon cœur de me loger,
Car je suis un
pauvre malheureux, bonne mère,
Répondit-il, et
dont l’âme est bien amère. »
La femme qui
vint lui ouvrir, l’air inhumain,
Avait des dents
pointues, longues comme sa main,
Et les yeux de
travers, et était bien hideuse.
Malgré son
sombre aspect d’ogresse rôdeuse,
Elle dit
doucement au garçon : « Pauvre petit !
Ne reste pas ici ;
nul vivant ne sortit
De cette maison
où tes pas te conduisent
Et où d’affreuses
choses, la nuit, se produisent. »
« Tant pis,
répondit Point-du-Jour, le sort railleur
M’y a conduit,
autant mourir ici qu’ailleurs. »
Elle le fit
entrer, le cacha sous la couche
Et pour qu’il se
tût mit le doigt sur la bouche.
Un grand ogre
rentra peu après avec bruit
Et cria : « Je
sens la chair fraîche comme un fruit ! »
« Non,
répondit la femme, une autre odeur l’imite,
C’est une tête
de veau qui cuit dans la marmite. »
« Non !
cria-t-il encor, je sens bien de la chair !
Ne me cache rien
ou tu vas le payer cher. »
La bonne femme
le supplia : « Hélas ! maître,
A un garçon que
j’ai trouvé daignez permettre
De vivre, car il
est mignon, et sa maigreur
En fait un
piètre mets. Soyez donc sans aigreur,
Avant de le manger,
il faut qu’on l’engraisse.
Il est sous le
lit. » Et voilà l’ogre se baisse
Et qui prend
dans sa main le garçonnet poli.
« Ah !
s’écria-t-il, cet oiseau est bien joli !
Ses plumes sont
dorées et elles sont belles. »
Dit-il en
regardant sa chevelure rebelle
Et qui était
blonde. Il criait, épouvanté,
L’ogre dit : « Chante-t-il
bien ! J’en suis enchanté,
Mais j’en ferai
tout de même une gibelotte.
Regardez-moi comment
ça mord et se ballotte. »
Pour l’ouïr il l’approcha
de son oreille, puis
Le pauvre garçon
crut voir la gueule d’un puits ;
Il le posa sur
le lit. « Il faut que tu dormes,
Petit oiseau,
dit-il. Pour prendre des formes,
Je te ferai
autant que tu voudras manger
Et en un bon
oiseau gras je vais te changer. »
Au huitième jour
le garçon, plein d’alarmes,
Devait être
mangé et pleurait mille larmes,
Quand un lézard
vint lui dire : « Ne pleure pas,
De cet ogre tu
ne seras point le repas.
Tu m’as sauvé un
jour, et si tu veux me croire
Tu seras
délivré. L’ogre, dans sa main noire,
Va te porter
auprès de son puits merveilleux
Où il lave ses
mets ainsi plus croustilleux.
Tu y jetteras ta
plume et tu diras à l’ogre :
Maintenant que
je suis gras et ne suis plus maigre,
Laissez-moi
regarder, avant que de mourir,
Votre puits, car
je n’ai nulle part où courir.
Il y consentira,
ce gros monstre immonde,
Et tu te
trouveras dans un nouveau monde,
Quand dans cet
abîme tu te laisseras choir. »
Point-du-Jour le
fit et fut étonné de voir
De belles
prairies, des villages et des montagnes,
Dans un monde
nouveau, inconnus en Bretagne.
L’ogre était en
colère et cria : « Ah ! quelqu’un
Lui a conté
cela, un traître et un faquin !
Sur soixante-dix
hommes, c’est le seul qui m’échappe !
C’est toi,
femme, qui m’as trahi, je t’attrape,
Ce n’est que
justice, je vais te dévorer ! »
Mais il ne le
fit pas, ne pouvant adorer
La viande de
cette femme vilaine et vieille,
Ogresse comme
lui, à son maître pareille.
[A SUIVRE]
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
|
La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2182.
dimanche 5 avril 2015
Conte: Point-du-Jour (Partie II)
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Mon avis sur cet article: