samedi 31 janvier 2015

Conte: Le Pilote de Boulogne (Partie II)

CONTE: LE PILOTE DE BOULOGNE (PARTIE II)


II. Ce que le jeune garçon, devenu un jeune homme et l’époux de la princesse, décida de faire

En bravant la mer et ses ondes fatales,
Le vaisseau arriva à la capitale
Qu’il salua par vingt et un coups de canon.
La ville hospitalière, qui ne lui dit pas non,
Par la même salve répondit avec liesse.
Le petit fut charmé de la gentillesse
Du roi qui, comme son fils, l’éleva avec soin
En veillant à combler tendrement ses besoins.
A dix-huit ans, il le maria à sa fille
Qui avait son âge, belle comme le soleil qui brille.
Le fils du pilote, par le remords rongé,
Ne pouvait s’empêcher de maintes fois songer,
Alors qu’il vivait dans l’abondance éternelle,
A ses vieux parents et sa fuite criminelle.
« Ils ne sont pas bien riches. J’aimerais les revoir,
Dit-il à son épouse, et faire mon devoir
De rendre leur vieillesse moins pénible à vivre.
Je reviens en France. Voulez-vous me suivre ? »
Sa femme, qui trouva son désir naturel,
Promit de le suivre sans trembler des pétrels.

Au royaume de Naz, comme la nuit étoilée
Par les nuages, femmes et filles demeurent voilées,
Et la tradition veut que même à leur époux,
Avant de devenir mères, elles cachent leurs traits doux.
Quand le jeune homme alla prier son beau-père
De le laisser partir, ce dernier, sévère,
Avant de voyager, lui fit faire le serment
De ne point voir de sa femme le visage charmant,
En lui promettant, s’il fait la découverte
D’une trahison, une punition très verte.
Le prince et la princesse, naviguant sans soucis
Sur les flots constants et par les brises adoucis,
Arrivèrent à Boulogne et quittèrent le navire.
Dès que les gens de la douane les virent,
Ils coururent sans délai dire aux autorités,
Sans croire eux-mêmes que c’était la vérité,
Que le prince et que la princesse de Naz venaient
Visiter la ville, et en France se promenaient.
Quand ils débarquèrent, ils étaient ravis de voir
Toutes les autorités qui vinrent les recevoir
Et leur offrir, pour que leur séjour fût tranquille,
Les plus beaux appartements qu’il y avait dans la ville.
Le jeune homme, de ce grand cortège environné,
Vit un homme âgé, de cet accueil étonné,
Près d’un vieux mur, vêtu d’une vareuse usée.
Comme sa mémoire ne fut jamais abusée,
Il reconnut son père ; de le voir enchanté,
Il lui demanda des nouvelles de sa santé,
Le pilote surpris ne cacha point sa joie
De voir cet homme qui était vêtu de soie
Et couvert de diamants, venir pour s’informer
De sa santé, et pour un hère s’alarmer.
« Me reconnaissez-vous ? lui dit-il, j’espère
Que vous ne m’avez point oublié, mon père,
Car je suis votre fils qui vous fut enlevé. »
Le vieux pilote, de son enfant longtemps privé,
L’embrassa en versant des larmes moins amères
Que quand il fut ravi. « Comment va ma mère ?
Lui demanda-t-il. Vit-elle ? Garde-t-elle raison ? »
« Oui, bien vieille et bien pauvre, elle est à la maison. »
Répondit le père. « N’ayez nulle inquiétude,
Repartit le prince, car votre solitude
Sera bientôt finie, et je suis revenu
Pour que vous soyez aises comme vous êtes chenus,
Avant que je devienne roi et vous emmène. »
Le prince resta, chez ses parents, trois semaines.
Un jour, sa mère lui dit : « Je trouve bien curieux
Que le visage de ta femme demeure mystérieux. »
« Au pays, l’on dit qu’il est de mauvais augure,
Expliqua-t-il, de voir de sa femme la figure
Avant qu’elle ne devienne mère, et j’ai juré
Au roi mon beau-père, de ma foi assuré,
Que je respecterai cette antique coutume. »
« Tu dois en avoir, mon fils, bien de l’amertume !
S’écria la mère. Les coutumes ne t’aideront
Pas à savoir si ta femme est un laideron
Ou si on t’a marié à une personne belle.
Oublie ton serment ; il faut que tu te rebelles,
Ton beau-père n’en saura rien, même s’il est roi,
Si tu t’y prends comme il faut et tu es adroit. »

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Mon avis sur cet article: