Le fils pieux
Dans le désert
vaste et pareil à un linceul
De Mina, à
quelques lieues de la sainte Mecque.
Il n’avait qu’un
chameau, une épée et des loques
Et dans son bouge
sombre et inhospitalier
N’accueillait personne,
oublieux, oublié
Et pareil au
spectre d’un manoir énorme,
Car nul ne
frappait à sa porte difforme
Hormis le vent qui
passe, agile et curieux.
Il ne parlait
guère et était mystérieux ;
Une fois, voulant
sans doute éprouver son courage,
Des nobles de
Quraïch, à la fleur de l’âge,
Lui jouèrent, le
sourire aux lèvres, un méchant tour :
Voyant que nulle
tribu n’irait à son secours
Et qu’il était
seul, ils l’attaquèrent dans l’ombre
En rugissant,
pareils à des brigands sombres.
Deux furent tués
et le troisième s’enfuit
En pleurant comme
une veuve esseulée. Depuis
Ce jour, quand le
pauvre passait, la mine hagarde,
Nul n’osait plus
railler son chameau ou ses hardes.
Il n’y eut aucune
vengeance d’un père irrité,
Le meurtre n’ayant
pas été prémédité.
Les vieillards
dirent aux pères : « Vous connaissez nos règles. »
La mère de ce
brave manant était aveugle,
Vieille et
infirme, tout pour elle était noir.
Elle ne pouvait
marcher et elle ne pouvait voir,
Ô, supplices que
le sort aux mortels inflige !
Chaque jour et
chaque nuit, à cette damnée qui afflige
Les hommes les
plus farouches et les cœurs les plus durs,
Sans maudire son
destin, le fils vaillant et pur
Apportait un peu d’eau
et de nourriture.
Levant ses yeux
sans voir, la pauvre créature
Lui disait : « Fils
chéri, sois béni par les dieux. »
Tous ceux qui le
voyaient disaient : « C’est un fils pieux ! »
Quand il vit
Mahomet il dit : « Ce n’est qu’un homme ! »
Il adorait ces
dieux terribles qu’on nomme
Manat, le Destin,
et la puissante Alilat,
Et maintes fois,
dans l’ombre prosterné, leur parla
En murmurant
souvent : « Ce ne sont que des pierres ! »
Et en continuant son
ardente prière.
Une nuit, sa mère
mourut. Il en devint chagrin
Et tellement
maussade, qu’il en mourut. Serein,
Mahomet dit à ses
disciples : « Qu’on l’enterre
Dans la même tombe que sa pauvre mère.
Je prierai pour
que ses péchés soient pardonnés. »
Et les disciples
se regardèrent, étonnés ;
Mahomet prosterné
pria sur sa tombe.
A l’heure où la
pâle nuit sur le monde tombe
Eteignant le
soleil comme un morne flambeau,
Le mort se
réveilla dans son étroit tombeau
Et dans son cercueil
il rouvrit ses yeux étranges
Et vit, debout à
ses côtés, les deux anges
Du trépas, qui ont
pour noms Nakir et Mounkar,
Armés de leurs
épées et le feu dans leurs regards.
Mounkar lui
demanda : «Homme que le ciel abhorre,
Comment s’appelle
le dieu que tu adores ? »
Et le ressuscité
qui tremblait répondit :
« J’en ai
plusieurs. » « L’enfer t’attend. Le paradis,
Sombre pécheur, te
ferme éternellement ses portes. »
Cria l’ange. « Quel
est le nom que ton prophète porte ? »
Lui demanda Nakir.
« Hélas ! Je n’en ai point. »
« Mauvaise
réponse ! L’enfer n’est pas loin. »
Hurla Nakir. Et
les deux anges effroyables
Prêts à donner le
coup d’épée formidable
A ce pécheur, pour
qu’il plongeât par l’ombre étreint
Et allât à l’enfer
lugubre et souterrain,
Dégainèrent leurs
lames que l’attente courrouce.
Soudain une voix
mélodieuse et douce
Comme un chant
dans la tombe ténébreuse s’éleva
Et dit : « Ce
n’est point à l’enfer que cet homme va.
Cachez vos épées et cessez vos anathèmes,
Il va au paradis
avec sa mère qui l’aime. »
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
mercredi 1 août 2012
Le fils pieux
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Ici la version théologique l emporte sur la version historique dans ce beau récit poétique ayant des fins humanitaires de tout temps..
RépondreSupprimerC'est vrai que le sacré, dans son sens le plus vaste, demeure une immense source d'inspiration.
RépondreSupprimerCordialement,
M.Yosri.