mardi 24 juillet 2012

Salomon et la fourmi


Salomon et la fourmi


Le roi Salomon qui parle aux bêtes farouches,
A l’aurore qui se lève, au soleil qui se couche,
Et qui commande aux hommes comme il commande aux vents
S’en allait en guerre du côté du Levant.
Pareil à une foudre du firmament tombée,
Le fils illustre de David et Bethsabée
Qui apprit comme son père à dompter les géants,
Avait des aigles pour archers, déployant
Leurs ailes dans le ciel noirci par leur nombre.
A sa gauche il avait, cavaliers sombres,
Deux mille djinns debout sur leurs destriers noirs,
Et à sa droite, hauts et fiers, on pouvait voir
Une armée de deux mille hommes prêts à vaincre
Et qui étaient debout sur leurs destriers pourpres,
Et il avait dix mille fantassins derrière lui.

Un jour passa. Quand vint la ténébreuse nuit
Qui ploya sur le monde ses grandes ailes noires,
Salomon et ses hommes fatigués voulaient boire
Et le roi dit aux djinns : « Envolez-vous, cherchez
Une oasis fertile, qu’on puisse étancher
Notre soif. » Et les djinns courbés obéirent.
Ils revinrent après une heure et lui dirent :
« Majesté, il n’y en a point. » « Creusez des puits 
Et trouvez-nous à boire, ou je vous enfouis,
Par Dieu ! Dans s’étroites et sombres bouteilles. »
Ordonna Salomon. L’aurore vermeille
Emplissait le ciel de son sourire content,
Les djinns creusaient toujours. Epuisés et haletants,
Au fils de David ils dirent : « Cette terre est aride,
Nous pouvons creuser à en avoir des rides,
Seigneur. Mais dans ces puits traîtres il n’y a point d’eau. »
Salomon répondit : « C’est trop ployer vos dos,
Et votre vigueur, preux djinns, m’est nécessaire.
Interrogeons alors les oiseaux sincères,
Ils connaissent le monde comme un marin la mer. »
Et en levant la tête, il demanda, fier 
S’il y a une oasis, à son armée volante.
« Non, Seigneur. » répondit l’hirondelle tremblante.
« Je ne sais, majesté. Répondit le corbeau ;
Dans ce désert nos yeux sont de pâles flambeaux. »
« Non, Sire. » répondit l’aigle aux brunes ailes,
Ainsi que la corneille, la caille et la sitelle.
« Et la huppe ?  s’écria Salomon courroucé.
Où est-elle allée ? Si je n’étais point pressé,
Je la châtierais pour son arrogante absence.
Mais avant, buvons. » Et parlant au ciel immense,
Salomon commanda aux nuées : « A genoux !
Devenez ténébreuses et pleuvez vite pour nous. »
Il plut et Salomon et son armée burent
Ainsi que toutes les pâles créatures
Et ils poursuivirent leur belliqueux chemin,
Pléthore formidable de démons et d’humains
Qui fait trembler les hommes et fait trembler la terre
Et oblige le tonnerre farouche à se taire.

Passant près d’une vallée au sourire ami,
Salomon entendit une noire fourmi
Dire à ses pareilles : « Le roi Salomon passe
Avec sa vaste armée. Laissez-lui la place
Où il nous écrasera toutes sans même nous voir.
Nous sommes de la poussière pour ces hommes aux yeux noirs ;
Nous, nous les voyons. Mais ils ne nous voient guère
Et ils sont plus aveugles quand ils font la guerre. »
Le roi-prophète sourit de cette témérité
Et ordonna à son armée de s’arrêter
Puis dit à la fourmi : « que disais-tu, commère ?
Sais-tu qui je suis et qui était mon père ?
N’as-tu pas entendu retentir dans les monts
Le nom de David et le nom de Salomon ? »
La fourmi répondit : « Roi, je sais qui vous êtes
Et qui était votre père, illustres prophètes.
Je sais que vous donnez des ordres aux éléments
Et que tout sur terre et dans le firmament
Vous obéit, hormis Dieu et ses anges ;
Mais vous êtes un homme, mais vous êtes de la fange
Et vous obéissez au joug providentiel.
Je suis petite pour vous et vous l’êtes pour le ciel. »


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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