lundi 23 juillet 2012

La mort de Mahomet


La mort de Mahomet


 Le même cri affreux emplissait Médine,
Cette ville bénie par l’aurore divine
Qui semble éternelle et y reluit doucement :
« Mahomet est mort ! » Le peuple était alarmant
Et alarmé. Dans les rues, la vaste foule,
Comme si elle était emportée par la houle,
Courait éperdument, sans qu’elle sût pourquoi.
Certains songeaient, et sans oser élever leurs voix
Murmuraient : « il vivrait, s’il était prophète ! »
Les autres, l’œil farouche et la bouche muette,
Allaient le voir gisant dans son appartement ;
Un linceul grossier montrait sa tête seulement
Et son front qu’éclairait un radieux sourire,
Il cessait de vivre sans cesser de reluire,
Et n’avait emporté, dans l’éternelle nuit,
Que sa tunique verte et déchirée avec lui,
Ayant gagé chez un juif son armure
Pour qu’il mangeât, contre un peu de nourriture.
Il semblait dormir comme une douce vierge dort
Sans amertume, sans douleur et sans remords,
Ceux qui vinrent le voir en l’embrassant pleurèrent,
Ses lèvres, comme pour dire une éternelle prière,
Etaient entrouvertes, et ses yeux étaient fermés.

Omar arriva, pâle, de son épée armé,
Il était courroucé et son regard farouche
Et sans qu’un seul mot ne sortît de sa bouche,
Il contemplait ces hommes et ce cadavre blanc
Et aux endeuillés qui l’écoutaient en tremblant
Dit : « Cessez de pleurer, sombres hypocrites ! 
Mahomet n’est point mort. Il nous reviendra vite
Car il est allé comme Moïse, fils d’Imran,
Voir le Seigneur. Il vous châtiera s’il apprend
Que vous avez dit qu’il est mort. Erreur profonde !
L’âme de Mahomet ne peut quitter ce monde !
Ô, cœurs volages, où est donc votre foi ?
Et vois-je, par hasard, des impies devant moi ? »
Et Omar, qui bravait l’évidence têtue,
Cria : « Celui qui dit qu’il est mort, je le tue ! »
Tous ces hommes, pourtant preux, restèrent muets.
Abubèkre arriva. Oubliant de saluer,
Sa barbe était mouillée par ses larmes augustes.
A ceux qui étaient là il dit : « Dieu est juste,
N’en doutez point ! Il sait et vous ne savez pas.
Nul homme, fût-il prophète, ne fuit le trépas. »
Et il dit à Omar : « Assieds-toi, qu’on m’écoute. »
Il s’assit. Abubèkre poursuivit : « Que le doute
N’assaille point vos cœurs, croyants, si vous croyez !
Et apprenez tous de ce qu’ici vous voyez
Que nul n’est immortel, que Dieu moissonne les âmes
De tout ce qu’il crée. Vous, vos enfants et vos femmes
Vous mourrez, alors ne vivez point criminels !
Mahomet est bien mort, mais Dieu est éternel. »


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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