Marzouki et la voûte
Contemplait la
voûte avec ses yeux de fauve
Et disait à
l’ombre, par l’orgueil aveuglé :
« Vivants, et
vous spectres de la nuit, tremblez !
Sur ce pays courbé
devant moi je règne,
Les manants
suppliants attendent que je daigne
Pour embrasser ma
main, reluire devant eux.
Ben Ali, l’aile
brisée, comme un aigle boiteux
A fui en sentant
l’heure de sa chute trop proche
En faisant au
peuple révolté des reproches,
Dans son antre
caché et sans doute blessé,
Il gémit quand il
voit son nom sombre effacé
Et mon nom radieux
et loué avec zèle.
Ne suis-je pas
grand ? Ma gloire n’est-elle point éternelle ?
Jadis gémissant
dans quelque noire prison,
Jadis exilé de ma
patrie sans raison,
J’étais seul et
j’avais devant moi l’abîme.
Aujourd’hui, mon
bourreau châtié pour ses crimes,
Comme moi par
l’exil maudit et éternel,
J’ai usurpé son
titre auguste et criminel !
Ben Ali ! Ben
Ali ! Entends-moi, si tu l’oses !
Je règne sur les
hommes, je règne sur les choses
Et sur ce peuple
hagard qui ne m’a point élu,
Et bientôt je
tiendrai les astres chevelus
Par les cheveux,
et je dirai aux vents rapides
Qui se meuvent et
remuent leurs ailes limpides :
« Je vous
l’ordonne, vents agiles, arrêtez-vous ! »
A peine prosterné,
ce pays à genoux
Chantera à ma
gloire les chants qu’elle mérite ! »
Ainsi, élevant sa
voix que le silence irrite,
Parlait Marzouki.
La voûte qui méditait
Etait silencieuse
et elle l’écoutait
Et de ses yeux
voyait les éclairs farouches.
Tout à coup à son tour
elle ouvrit la bouche
Et elle dit ceci
au monarque forcené :
« Prends
garde, insensé à régner condamné !
Ce faste, ces
sujets, ces sceptres et ces trônes,
Ces encens qui
fument, ces miroirs qui rayonnent
En vous disant
toujours que vous êtes le plus beau,
Présents
empoisonnés ! De la griffe du tombeau
Qui à l’abîme ont
emporté maintes proies
Que le Destin,
avant de les sacrifier, broie,
Nul mortel, roi ou
non, ne peut être sauvé.
Mon œil toujours
ouvert a déjà vu rêver
Dans ces lieux le
despote et le visionnaire,
J’ai ouï gronder
la houle révolutionnaire
Et je sais qu’on
est plus maudit quand on est roi.
Ce qui te rend
heureux doit te remplir d’effroi,
Toi qui règnes, à
ceux qui régnèrent avant toi pense,
Et sache que le
trône est un précipice immense »
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
vendredi 20 juillet 2012
Marzouki et la voûte
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