Les larmes d’Omar
S’en retournait
avec ses hommes à Baysan.
Montés sur leurs
chameaux, ils étaient sans armes
Et vêtus de blanc,
seuls dans le désert énorme ;
Car qui est
l’insensé, spectre, bête ou bandit,
Qui oserait
attaquer, par le ciel maudit,
Ces guerriers
toujours prêts à la guerre, qu’on nomme
Hamza, tueur de
lions, Khaled, tueur d’hommes,
Et Omar, le juste,
le brave, le géant,
L’arbitre inspiré,
commandeur des croyants ?
Tout vieillard
qu’il fût, on le craignait encore,
De sa fougueuse
jeunesse restait un peu d’aurore
Qu’on voyait
reluire dans ses grands yeux noirs,
Lueur
crépusculaire qui annonce le soir
D’une vie auguste
et de travaux pleine.
Le vaillant
cortège, passant près d’une plaine
Déserte comme le
lit d’une veuve, et sans hameaux,
Le calife arrêta
son rapide chameau
Et se mit, comme
s’il cherchait quelque chose,
A contempler
doucement le désert morose.
Ses hardis compagnons,
pressentant un hasard
Ou pour ne point
marcher devant le preux vieillard,
S’arrêtèrent
aussi, sans qu’il parlât, d’eux-mêmes.
Omar rêvait et il
était devenu blême
Comme un hiver.
Khaled lui dit : « Miramolin,
De goules et de
dangers ce noir désert est plein,
Mais si vous le
voulez, reposons-nous dans l’ombre,
Nous marcherons pendant
des heures sans nombre,
Mangeons et buvons
un peu, quand l’aube viendra
Nous
partirons. » Omar, baissant la tête, pleura.
Larmes
mystérieuses d’un homme redoutable !
« Qu’est-ce
qui vous fait pleurer ? Quel souvenir effroyable,
Seigneur, de vos
yeux fait tomber ces sombres pleurs ? »
Lui demanda
Khaled, surpris de sa douleur.
Et Omar
répondit : « Les années farouches
Ont blanchi mes
cheveux, et je n’ouvre la bouche
Que pour dire des
prières, sourire et pardonner.
Jadis, dans ces
vastes plaines, je vis rayonner
Quand je levai la tête, la clémente lune.
Esseulé dans la
nuit, assis sur ces dunes,
Je chantais des
vers et je mangeais mes dieux
Et j’attendais de
voir le soleil radieux
Se lever, pour que
je revinsse à la ville.
Dans ce désert
immense et comme mon cœur tranquille,
De mon père, Al-Khattab,
je gardais le troupeau,
Homme sévère qui
me tenait de rudes propos
Comme si j’étais,
au lieu de son fils, son esclave.
Quand j’étais
fatigué, croyant que je le brave,
Il me battait,
enfant frêle, avec courroux,
Et dans l’ombre
oublié, je pleurais de ses coups.
Maintes fois, pour
quelque maigre bête égarée,
Il me laissait la
nuit, victime abhorrée,
Sans nourriture,
sans en priver ses animaux,
Et plus que son enfant,
il aimait ses chameaux
Et ses richesses
dont il est épris et qu’il cache.
J’aurais pu en
devenir injuste ou lâche,
Mais j’en devins
brave. Ô, si vous croyez en Dieu,
Soyez doux,
pardonneurs et miséricordieux !
Aimez vos enfants
et aimez aussi vos femmes,
Car les balafres
du corps restent dans l’âme,
N’opprimez pas les
faibles par les puissants honnis,
Aimez et
pardonnez, et vous serez bénis. »
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2180.
jeudi 26 juillet 2012
Les larmes d’Omar
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