samedi 7 juillet 2012

La générosité de Hatem Ta’i


La générosité de Hatem Ta’i


Le désert, comme on ouvre une porte fermée,
Ouvrait monstrueusement sa gueule enflammée
Pour dire quelque chose de mystérieux à la nuit,
Amante tragique du soleil qui luit
Et qui sur sa bouche et sur son front garde
Son baiser ardent et sa caresse hagarde.

Pareil à un fantôme, un sombre voyageur
Appesanti par le fardeau de la chaleur
Et des sables, flots jaunes ardents comme des braises,
Errait lentement, à cette heure où se taisent
Toutes les créatures, et où les lions assoupis
Dans leurs antres cachés, cherchent un peu de répit.
Son cheval était las et sa gourde était vide,
Sur son front il avait la marque livide
D’une guerre farouche ou d’une grande mission.
Est-ce au nom de l’amour ou de la nation
Qu’il erre ainsi, seul dans ce désert immense ?
Où finit son voyage ? Où est-ce qu’il commence ?
On ne sait. Et rien ne semblait ralentir
Ce chevalier qu’on vit à l’aurore partir
En embrassant doucement sa femme tremblante.
Mais il n’est qu’un homme. Si la pâle épouvante
Ne l’empêchait pas de marcher ainsi sans fin,
Il était essoufflé, il avait soif et faim.
Le Sahara à nul homme n’ouvre sa porte
Et n’est hospitalier que pour les choses mortes
Et les bêtes légendaires qui l’emplissent de leurs cris.
On y entend les vers des poètes épris
Qui sont morts en chantant une beauté fière,
Et les soupirs des goules ennemies de la lumière,
On y voit passer des chevaux sans cavaliers.  

Soudain, dans ce désert inhospitalier
Doux aux spectres comme il est aux vivants funeste,
Le chevalier vit une tente modeste
Mais qui, accablé par la fatigue, lui semblait
Un port dans la tempête, dans la ville un palais.
Il descendit de son cheval et dit à l’ombre :
« Je voyage depuis des heures sans nombre,
Quelqu’un vit-il ici ? Je ne suis pas gourmand,
Je veux boire et me reposer seulement »
Une voix lui répondit : « Ô, étranger, entre »
Il entra et vit, dans cet aimable antre,
Un homme en haillons avec ses deux enfants
Et sa femme maigre et plus blanche qu’un olifant.
L’homme, l’accueillant avec un radieux sourire,
Dit à sa femme : « Ce chevalier soupire
Et il a l’air d’avoir soif. A boire apporte-lui »
Puis avec son sourire qui toujours reluit
A l’un de ses enfants il dit : « Donne à boire
A son cheval aussi. Nos provisions sont rares
Mais notre invité a faim et il est très las.
Femme, nous avons une seule chèvre. Egorge-la »
Le chevalier but et mangea comme quatre hommes
Et dit à son hôte : « Par Dieu ! Comment tu te nommes ?
Es-tu ange ? T’appelles-tu Générosité ?
Malgré cette heure indue, malgré ta pauvreté,
Tu m’accueilles comme un roi dans ton humble gîte !
Prends cet or, tu es bon et tu le mérites »
L’homme dit : « Chevalier, pour toi garde ton or,
Je ne le prendrai point, je n’ai point de remords.
Je suis Hatem Ta’i, à mes hôtes blêmes
Je donne tout, hormis mon épée et ma femme »



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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