L’enfance de Virgile
N’ayant point
d’enfants, un laboureur et sa femme
Priaient les dieux
chaque jour, éplorés et blêmes,
De faire rayonner,
dans leurs temples ployés,
Une tête blonde
dans leur sombre foyer.
La bonne femme
implorait Junon magnanime
D’appesantir avec
ce fardeau sublime
Son ventre vide,
et son époux, le cœur amer,
D’entendre ses
soupirs implorait Jupiter.
Il voulait un
fils, elle voulait une fille.
« Elle sera
douce et chaste, belle comme l’aurore qui brille
Et répand ses
rayons purs dans le firmament,
Les dieux la
béniront et seront ses amants
Et elle se mariera
à un roi ou un prince »
Disait la femme.
« Des dieux douce récompense
Pour mes rudes
années de farouche labeur,
Je veux qu’un fils
emplisse ce foyer de lueurs.
Il sera fort comme
moi, ennemi de la paresse,
Canne sur laquelle
se reposera ma vieillesse,
Il sèmera avec moi
les graines dans les sillons »
Et ils rêvaient
tous deux, les yeux pleins de rayons.
Les jours
suivaient les jours comme les ondes se suivent,
Ils virent enfin
reluire la tête chétive
Qu’ils
attendaient. Ils eurent un fils beau comme le jour.
Un fils ! Le laboureur,
le cœur empli d’amour
Pour sa femme et
pour les dieux, alla brûler
En versant des
larmes, de joie presque affolé,
De l’encens sur
l’autel de Jupiter juste
Et lui sacrifia
ses deux bœufs les plus robustes.
Son épouse,
contente, bénit la douce Junon.
Tel l’enfant d’un
roi, on ne disait jamais non
A cet enfant
boudeur ; à tous ses caprices
On obéissait comme
les hommes obéissent
Aux dieux
immortels et qui les ont créés.
Veillant jusqu’au
matin, ses parents effrayés
Le protégeaient de
tout, de la brise qui passe
Et avec sa bouche
amoureuse l’embrasse,
De Pan, du mauvais
œil, du froid et du soleil,
Lui souriaient
toujours et berçaient son sommeil
Avec les vers de
leur pieuse tendresse.
Ils l’appelèrent
Virgile, et avec paresse
Il ne disait que
la moitié de tous ces noms.
Il grandit. Il
était pareil à un rayon
Quand il eut
quinze ans. Le regardant, son père
Dit à sa
femme : « Il remuera la terre
Avec moi. Maintenant
il est mûr pour les champs »
Et l’emmena avec
lui. Sans cesse cherchant
Dans le vaste azur
qu’il contemplait quelque chose,
L’enfant paresseux
et dont les joues étaient roses
Au lieu de semer
les graines dans les sillons,
Courait, joyeux,
derrière les joyeux papillons
En disant, sombre,
à son père en colère :
« Je suis
las » la figure hautaine et presque altière,
Il regardait la
terre profonde avec dédain
Et quand son père
l’appelait s’éveillait soudain
De l’éternel
sommeil où le plongeaient ses rêves.
Sans être réveillé
par l’aurore qui se lève,
Il s’endormait
jusqu’à ce que l’on réveillât.
Son père courroucé
et l’œil en feu cria
Maintes fois en
disant à sa mère : « Sur mon âme !
Cet enfant est mou
et délicat comme une femme !
Tout le jour ça
songe, un épi entre les dents,
Sous un arbre,
tandis que le soleil ardent
Quand dans le
firmament sur ma tête il rayonne,
Cruel, m’assombrit
la peau et me la tanne !
Par les
dieux ! Je voulais un bras, j’ai un regard ! »
Et s’en allait
verser sa sueur, rude gaillard
Dont les mains
sont rauques comme les champs qu’il laboure.
Que fait
l’enfant ? Il court, il rêve, il savoure
Le parfum des
roses, chante comme les oiseaux
Et joue dans les
rivières en buvant de leurs eaux.
Un jour il s’en
alla –c’était son habitude−
Dans la forêt
chercher un peu de solitude
Et ne revint
point. Sa mère versa des pleurs
Et son père
furieux dit, malgré sa douleur :
« Qu’il s’en
aille ! » Cette nuit-là était charmante,
On vit dans le
ciel une étoile filante
Et qui avait les
traits du mystérieux fugueur
Emplir le ciel
sombre de ses radieuses lueurs.
Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène
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La Muse a commencé à soupirer le 08/04/2012. Poèmes publiés sur le Blog : 2197.
samedi 23 juin 2012
L’enfance de Virgile
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