samedi 23 juin 2012

L’enfance de Virgile


L’enfance de Virgile


N’ayant point d’enfants, un laboureur et sa femme
Priaient les dieux chaque jour, éplorés et blêmes,
De faire rayonner, dans leurs temples ployés,
Une tête blonde dans leur sombre foyer.
La bonne femme implorait Junon magnanime
D’appesantir avec ce fardeau sublime
Son ventre vide, et son époux, le cœur amer,
D’entendre ses soupirs implorait Jupiter.
Il voulait un fils, elle voulait une fille.
« Elle sera douce et chaste, belle comme l’aurore qui brille
Et répand ses rayons purs dans le firmament,
Les dieux la béniront et seront ses amants
Et elle se mariera à un roi ou un prince »
Disait la femme. « Des dieux douce récompense
Pour mes rudes années de farouche labeur,
Je veux qu’un fils emplisse ce foyer de lueurs.
Il sera fort comme moi, ennemi de la paresse,
Canne sur laquelle se reposera ma vieillesse,
Il sèmera avec moi les graines dans les sillons »
Et ils rêvaient tous deux, les yeux pleins de rayons.

Les jours suivaient les jours comme les ondes se suivent,
Ils virent enfin reluire la tête chétive
Qu’ils attendaient. Ils eurent un fils beau comme le jour.
Un fils ! Le laboureur, le cœur empli d’amour
Pour sa femme et pour les dieux, alla brûler
En versant des larmes, de joie presque affolé,
De l’encens sur l’autel de Jupiter juste
Et lui sacrifia ses deux bœufs les plus robustes.
Son épouse, contente, bénit la douce Junon.
Tel l’enfant d’un roi, on ne disait jamais non
A cet enfant boudeur ; à tous ses caprices
On obéissait comme les hommes obéissent
Aux dieux immortels et qui les ont créés.
Veillant jusqu’au matin, ses parents effrayés
Le protégeaient de tout, de la brise qui passe
Et avec sa bouche amoureuse l’embrasse,
De Pan, du mauvais œil, du froid et du soleil,
Lui souriaient toujours et berçaient son sommeil
Avec les vers de leur pieuse tendresse.
Ils l’appelèrent Virgile, et avec paresse
Il ne disait que la moitié de tous ces noms.

Il grandit. Il était pareil à un rayon
Quand il eut quinze ans. Le regardant, son père
Dit à sa femme : « Il remuera la terre
Avec moi. Maintenant il est mûr pour les champs »
Et l’emmena avec lui. Sans cesse cherchant
Dans le vaste azur qu’il contemplait quelque chose,
L’enfant paresseux et dont les joues étaient roses
Au lieu de semer les graines dans les sillons,
Courait, joyeux, derrière les joyeux papillons
En disant, sombre, à son père en colère :
« Je suis las » la figure hautaine et presque altière,
Il regardait la terre profonde avec dédain
Et quand son père l’appelait s’éveillait soudain
De l’éternel sommeil où le plongeaient ses rêves.
Sans être réveillé par l’aurore qui se lève,
Il s’endormait jusqu’à ce que l’on réveillât.
Son père courroucé et l’œil en feu cria
Maintes fois en disant à sa mère : « Sur mon âme !
Cet enfant est mou et délicat comme une femme !
Tout le jour ça songe, un épi entre les dents,
Sous un arbre, tandis que le soleil ardent
Quand dans le firmament sur ma tête il rayonne,
Cruel, m’assombrit la peau et me la tanne !
Par les dieux ! Je voulais un bras, j’ai un regard ! »
Et s’en allait verser sa sueur, rude gaillard
Dont les mains sont rauques comme les champs qu’il laboure.
Que fait l’enfant ? Il court, il rêve, il savoure
Le parfum des roses, chante comme les oiseaux
Et joue dans les rivières en buvant de leurs eaux.

Un jour il s’en alla –c’était son habitude−
Dans la forêt chercher un peu de solitude
Et ne revint point. Sa mère versa des pleurs
Et son père furieux dit, malgré sa douleur :
« Qu’il s’en aille ! » Cette nuit-là était charmante,
On vit dans le ciel une étoile filante
Et qui avait les traits du mystérieux fugueur
Emplir le ciel sombre de ses radieuses lueurs. 



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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