vendredi 8 février 2013

Une révolution


Une révolution


Il était une fois un dictateur sanguinaire.

Le peuple opprimé, pensant sans doute bien faire,
Fit tomber le sceptre des mains de son tyran.
Quand Dieu sourit, il donne ; quand il châtie, il prend ;
Telle est l’immuable loi de la destinée.
Toute l’humanité blême est condamnée
A expier, ici-bas et dans l’au-delà,
Ses fautes dont le ciel, bien qu’il soit clément, est las,
Et souvent, au lieu de pleurer, on voit sourire
Cette veuve majestueuse armée de sa lyre
Qui voit périr, chaque jour, l’un de ses enfants,
Proie frivole rongée par le Destin triomphant.

Du Sort implacable arrêt ironique,
Et de toute une nation destinée cynique !
Le tyran s’en alla, dans l’ombre et dans la nuit ;
Un despote, c’est lâche. En laissant derrière lui
Dans le ciel ténébreux une tache de sang immense,
Dieu vit ce dictateur sans pitié, en démence,
Et sa femme, hydre hideuse, fuir mystérieusement,
Tremblant du peuple, peut-être du firmament
Dont ils entendaient le grondement formidable.

Qu’est-il arrivé au peuple misérable ?
Une grande joie d’abord, qui se mêlait de peur.
Est-il vraiment parti ? Ô, extase ! Ô, stupeur !
Va-t-il revenir ? Non. Le sort semblait sourire.
Mais le tyran laissa, derrière lui, ses sbires ;
Il fallait combattre. Armés de leurs pieux
Face à ces vampires, même les plus vieux
Et les plus frêles, même les enfants et les femmes,
Du Maudit bravèrent les suppôts infâmes,
Et on les voyait, sur leurs armes ployés,
Quitter leurs enfants et quitter leurs foyers
Dans leur fougue pareils aux antiques Spartiates.
Dieu aime les preux, le ciel bénit ceux qui combattent ;
Plus de victimes et plus de bourreaux, enfin !
Mais on entendit ce sinistre cri : « J’ai faim ! »
Ô, horreur ! Ô, frisson sombre et effroyable !
Partout des opprimés et partout des coupables,
Partout une mère qui pleure ou une veuve qui gémit,
L’aurore est-elle complice ? Le jour est-il ennemi ?
Tous se regardent en secret et soupçonnent
L’oiseau qui chante et le ciel qui rayonne ;
Au peuple inquisiteur tout semblait suspect,
Et ces noms qu’on disait avec crainte ou respect
Devinrent l’objet de la risée générale.
Les rues du Sud et les rues de la capitale
Devinrent les symboles de la gloire, de l’honneur,
Les acolytes, comme des proies, fuyaient les veneurs,
Et la colère de Dieu, telle une main énorme,
Tombait lourdement sur ces insectes difformes.

Et aujourd’hui ? Hélas ! Les sombres affamés
Ont toujours faim. Dans les sillons ils ont semé
Les dents de l’hydre dont les griffes nous tourmentent.
Les veuves pleurent devant les dépouilles fumantes
De leurs époux, les mères devant celles de leurs fils.
Ces mêmes yeux où brillait la lueur du défi
Sont emplis de nuit, de chagrin et de colère,
Et tout ce monde en deuil en gémissant erre
En rêvant de printemps, d’aurores et de lueurs,
Des hiers triomphants et des lendemains meilleurs. 



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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