dimanche 24 juillet 2016

Conte: L'ermite Jean (Partie I)

CONTE: l'ermite jean (partie i)

I. Les deux mauvais tours que des brigands jouèrent à l’ermite Jean

Le bon ermite Jean vivait loin du monde
Et des hommes, dans sa solitude profonde,
Caché de tous, hormis de Dieu, et toujours prêt
A prier, dans une ténébreuse forêt.
Toujours en pénitence et du jeûne allègre,
On comptait tous ses os, tellement il était maigre,
Mais tous les habitants venaient, par charité,
Lui apporter des vivres, et tous en vérité
Le révéraient, pensant qu’il était un saint homme.
Pour une grossesse ou pour chasser un fantôme,
On l’implorait souvent de prier le bon Dieu.
Or un jour des voleurs aussi hardis qu’odieux
Se dirent : « Cet homme ne vit que de prières !
Prenons ces provisions, il n’en profite guère !
Mais on dit que c’est un saint qu’aime le Seigneur ;
Ne lui faisons aucun mal ». Les brigands railleurs
Prirent toutes sortes d’instruments de musique.
« Il entendra bientôt l’hymne béatifique ! »
S’écria en riant un des brigands armés
D’une harpe, espèce de lutin déformé.
« En effet, il va ouïr le concert céleste ! »
S’égosilla l’autre, un jeune homme leste.
Et ils montèrent tous, pour qu’ils chantassent en chœur,
Sur le toit de son bouge, et chantèrent, moqueurs :
« Jean, mon bon Jean, Jésus ici nous envoie !
Jette tes provisions, monte au ciel avec joie ! »
En entendant ces voix et ce chant enchanteur,
Jean crut ouïr les anges béatificateurs.
Il jeta donc, avec la joie d’un homme ivre,
Tout ce qu’il possédait ainsi que tous ses vivres.
Un voleur enlevait, adroitement d’ailleurs,
Avec une corde, le butin du Seigneur.
Quand tout fut enlevé, les anges, pour rire,
Une nouvelle fois à chanter se mirent :
« Jean, pour monter au ciel jette tes vêtements.
Et danse allègrement ». L’ermite, bêtement,
Se dit : « Ma foi, voilà une idée bien drôle
Du bon Dieu ! Mais je dois obéir, c’est mon rôle. »
Il se déshabilla et dansa bien longtemps.
Las enfin, de ne point voir d’anges mécontent,
Il se dit : « Ah, Dieu se moque de moi, sans doute ! »
Les brigands, eux, riaient et se mirent en route,
Et lui se repentit et s’endormit enfin.
Quand il se réveilla, le pauvre avait grand faim ;
Rien sur son corps et rien, hélas, dans sa demeure !
« Il me faut demander l’aumône ou que je meure. »
Pensa l’ermite Jean. Mais nu ? oui. Nul regard
Ne s’arrêterait sur un vieillard maigre et hagard.

[A SUIVRE]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène 

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