dimanche 12 juin 2016

Conte: La mère de saint Pierre

conte: la mère de saint pierre

La mère de saint Pierre était si méchante
Quand sur terre elle était autrefois vivante,
Que Dieu ne souffrit pas, pécheresse jadis,
Qu’elle séjournât, après sa mort, au paradis.
Or saint Pierre en était si triste et si sombre
Qu’il ne mangeait plus rien, maigre comme une ombre
Et pleurant tout le jour, affligé et amer,
Comme s’il était lui-même un damné aux enfers.
Quand le Seigneur le vit : « D’où viennent ces larmes ?
Lui demanda-t-il, et qu’est-ce qui t’alarme ? »
« Ah ! Seigneur, s’écria le saint, mais vous savez
Que ma mère gémit aux enfers ! Vous l’avez
Condamnée à mille siècles de souffrance,
Et elle ne verra jamais la délivrance. »
« Elle le mérite, répondit le Seigneur.
Seuls demeurent ici les plus purs et les meilleurs ;
Ta mère, avant qu’elle ne lui fût ravie,
N’a point fait de bonnes actions dans sa vie.
Elle était méchante et, raillant la charité,
Méprisait, blasphémait, cachait la vérité.
Si tu en trouves une, même insignifiante,
Alors j’exaucerai tes prières suppliantes. »
« J’en trouverai, Seigneur », dit saint Pierre content,
Et se mit à feuilleter, sans qu’il perdît de temps,
Le livre énorme où sa vie était écrite.
Pas une bonne action ! « Elle le mérite,
Se dit-il maintes fois, mais je dois la sauver. »
Et le saint réussit enfin à en trouver :
Elle donna un jour – chose vénérable –
Une feuille de poireau à un misérable
Qui n’avait rien mangé et se mourait de faim.
« Ah ! enfin ! s’écria alors le saint, enfin ! »
Et alla dire à Dieu la bonne nouvelle
Qui souffrit d’accueillir chez lui cette mortelle.
Saint Pierre, qui quelques moments alors songea,
Prit une feuille de poireau, qui s’allongea
Magiquement jusqu’à la profonde géhenne.
Sa mère, ne trouvant point la chose vaine,
De toutes ses forces s’y suspendit rêchement
En poussant mille cris de joie farouchement.
Un damné, la voyant, s’accrocha à elle,
Puis mille autres, et toutes les âmes criminelles ;
L’enfer devint vide ! Mais s’en apercevant,
La méchante femme, de son salut rêvant
Et méprisant celui des autres victimes,
Donnait des coups de pied : « Mon fils magnanime,
Hurlait-elle avec rage, a envoyé pour moi
Cette feuille, car il a maudit mes émois. »
Saint Pierre lui criait d’une voix amère :
« Ce n’est point moi qui vous l’ai envoyée, mère !
C’est le Seigneur ! soyez bonne, il vous bénira,
Et votre supplice grâce à lui finira. »
Mais sa mère, ingrate, ne voulait rien entendre
Et pour qu’au paradis aucun ne pût se rendre,
Donnait aux malheureux de plus grands coups de pied.
« Tu vois, dit le Seigneur, tu vois, mon fils, qu’il sied
Que ta mère aux enfers éternellement demeure. »
Pierre, baissant alors sa tête qui pleure,
Acquiesça, et le cœur redevenu amer,
Laissa tomba la feuille et sa mère aux enfers.


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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