samedi 7 novembre 2015

Conte: Poverello (Partie VI)

 CONTE: POVERELLO (PARTIE Vi)


VI. Comment Poverello devint riche et fut tiré d’affaire

Frère, hôtelier, moines, maître de la mule,
Tout ce beau monde que la vengeance stimule
Arriva devant le juge, accusant, furieux,
Poverello de tous les crimes peu glorieux.
« Poverello, lui dit le président, vous êtes
Par votre frère accusé de voler sa bête
Alors qu’il dit avoir voulu vous assister,
Ensuite à la fiera de vous en délester.
Est-ce la vérité ? » « Non, ce n’est qu’un mensonge,
Monsieur le Président ; mon frère a fait ce songe .
Je lui ai demandé de me prêter son bœuf
Pour travailler, car chez moi je n’ai point un œuf,
Mais il m’a obligé à travailler, ce fourbe,
Moi son pauvre frère que la misère courbe,
Au jour de Noël, et je n’ai pu refuser,
Quitte à courroucer, à feindre ou à amuser,
Car mes enfants ont faim, hélas ! et pleurent encore
Depuis que je les ai laissés, dès l’aurore.
Sous mes pas fatigués la terre s’entrouvrit
Et engloutit et bœufs et charrue qu’elle prit.
Moi-même j’ai failli tomber dans le gouffre.
Ayez pitié, monsieur, d’un hère qui souffre ! »
Le juge, contre le méchant frère irrité,
Lui dit : « Tu m’as caché la sombre vérité,
Je te condamne à deux mille francs d’amende
Et de payer cinq cents francs je te commande
Jusqu’à ce que tes biens de terre soient sortis,
Tous les ans. Te voilà de ton sort averti. 
Et toi donc, l’hôtelier, qu’est-ce que tu réclames ? »
« Que ce coquin qui est devant vous rende l’âme !
Le voyant victime de la fatalité,
J’ai daigné lui offrir mon hospitalité ;
Pour me récompenser, ce petit infâme
A fait avorter ma malheureuse femme. »
« Ah, mais cela ne fut qu’un fâcheux accident !
S’écria le hère ; monsieur le Président,
Cet hôtelier n’est point bon comme il le conte,
Il m’a chassé d’abord sans en avoir honte
Car je n’ai point d’argent, de me voir irrité.
C’est sa bonne femme qui sans sévérité,
Moins cruelle que lui, fut ma douce hôtesse,
Et son destin remplit mon coeur de tristesse.
La pauvre a avorté en me voyant manger
Deux pisticcine ; que savais-je du danger ?
Pouvais-je deviner ce qu’elles lui feraient
Et que fatales à son enfant elles seraient ? »
Le juge demanda, de ce récit surpris :
« Madame, votre fils a-t-il ainsi péri ? »
« Oui, répondit la bonne hôtesse, c’est vrai, sire. »
« Ce jeune homme que tu as voulu faire occire
N’a rien fait, hôtelier, et il est bon et franc.
Je te condamne à lui payer trois mille francs. 
Et toi, le muletier, quelle est ta complainte ? »
« Au nom de Dieu et de toutes les choses saintes
Je veux que cet homme me paie incontinent
Ma bête mutilée et dont l’impertinent
A arraché la queue d’une façon cruelle. »
« Mais je l’ai aidé et j’ai eu pitié d’elle !
S’écria le jeune homme ; en voulant la sortir
De la profonde boue que j’ai vue l’engloutir,
Il y eut un accident ; je ne suis point coupable. »
Le muletier alors, comme un pauvre diable,
Jusqu’à ce que la queue arrachée repoussât,
Fut condamné, chose qui fort le courrouça,
A payer cent francs par an à notre jeune homme.
Le moine, que frère Nicolas on nomme,
Paya dix mille francs. Poverello, content,
S’en retourna chez lui, attendu bien longtemps
Par ses enfants chéris et sa femme inquiète.
Ils remplirent toujours leurs pesantes assiettes,
A l’abri du besoin et tous se
Heureux jusqu’à la fin de leurs jours fleurissants.

[FIN DU CONTE: POVERELLO]


Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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