lundi 18 juin 2012

Le châtiment du roi Louis treize


Le châtiment du roi Louis treize


Comme la nuit le roi Louis treize était sombre
Et il contemplait on ne sait quoi dans l’ombre,
Fixant un spectre avec ses yeux de hibou.
Ses ministres tremblants, connaissant son courroux,
S’étaient tu ; Louis comptait les gemmes de sa couronne.
Le silence et le soir rendaient la salle du Trône
Où reluisaient vaguement quelques mourants flambeaux
Pareille à un antre et pareille à un tombeau,
Leurs rayons semblaient des larmes que l’ombre essuie.
Soudain Louis s’écria : « Par Dieu, je m’ennuie !
De la musique ! Vite, faites venir un bouffon
Ou je jetterai vos têtes dans un puits  sans fond
Et vos dépouilles aux chiens errants pour les mordre. »
Cette menace était vaine. Quand Louis donne un ordre,
On obéit. On fit donc venir, sans délai,
Au monarque ennuyé le bouffon qui lui plaît
Comme à un enfant le jouet qu’il préfère.
Il riait, ses ministres feignirent de le faire,
Pour ne point courroucer leur roi capricieux.
Tout à coup, ce dernier devint silencieux
Et redevint pâle. Il dit au pauvre homme :
« Par le Christ ! Bouffon, tu es mou comme une femme ! »
Puis dit au bourreau : « donne-moi ton épée maintenant. »
Et trancha le col au misérable manant
Et, l’œil sinistre et fauve, cria : « C’est plus drôle !
Jetez-moi ça aux bêtes pour qu’ils le consolent.
Qu’on me donne un cheval. » Rapide comme l’effroi
Qui fait obéir, on fit venir un palefroi
A la crinière soyeuse, noir comme les ténèbres
Où il emporta son cavalier funèbre.

Ô, ombre que porte l’ombre, nuit sur la nuit !
Comme pour rattraper un ennemi qui fuit
Ou pour chasser une bête essoufflée et pâle
Suivi d’une meute invisible et spectrale,
Le roi, sur son cheval, errait éperdument.
Il était pareil aux cavaliers alarmants
De l’Apocalypse, sur leurs sombres montures.
Il arriva à un bois empli de verdure
Mais ne s’arrêtant point, il poursuivait toujours
Sa route éternelle, blême, muet et sourd,
Sans entendre le chant béni des rivières
Qui à un dieu antique disent des prières.
Soudain, las de courir sans doute, son cheval
Cessa d’obéir. « Ah ! Maudit animal !
Cria-t-il. Tu es mou et encore plus faible
Que ce bouffon que je viens d’envoyer au Diable.
Ton écuyer maudit va mourir comme lui. »
Une voix hurla tout à coup dans l’ombre : « Louis ! »
Le roi, terrifié car il ne voyait personne
Dans cette forêt que le jour abandonne,
Voulait descendre de son cheval. Mais resta
Immobile comme une statue. Il tenta
Maintes fois, vainement, de tirer son épée,
Et la bête formidable, monstre d’une épopée,
Ouvrit ses ailes noires pour voler dans l’éther
Et emporta le roi Louis treize en enfer.



Par: Mohamed Yosri Ben Hemdène

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